« Voix et chant chez Andreï Makine » dans Andreï Makine. Etudes réunies par Murielle Lucie Clément, Amsterdam/New-York, Rodopi, CRIN 53, 2009, pp. 69-87
La figure du musicien – amateur ou professionnel – est une des récurrences de l’œuvre makinienne. Toutefois, le chanteur masculin y est inhabituel. Il y a bien le fredonnement d’Ivan dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique et les chansons des Komsomols dans Confession d’un porte-drapeau déchu, mais, dans ce cas, les vers des chansons sont cités et non l’action dépeinte, exception faite pour les seconds de leur « braillement » mentionné. Par contre, les voix féminines sont amplement exposées[1]. Subséquemment, des chanteuses en action forment les ekphraseis musicales[2] suivantes abordées selon le concept d’écoute défini par Françoise Escal et Roland Barthes.
La musique vocale
Roland Barthes, comme il le décrit dans L’Obvie et l’obtus (1982)[3], établit une différence significative et signifiante entre écouter et entendre :
Entendre est un phénomène physiologique ; écouter est un acte psychologique. Il est possible de décrire les conditions physiques de l’audition (ses mécanismes), par le recours à l’acoustique et à la physiologie de l’ouïe ; mais l’écoute ne peut se définir que par son objet, ou, si l’on préfère, sa visée. Or, tout le long de l’échelle des vivants (la scala viventium des anciens naturalistes) et tout le long de l’histoire des hommes, l’objet de l’écoute, considéré dans son type le plus général, varie ou a varié. De là, pour simplifier à l’extrême, on proposera trois types d’écoute. Selon la première écoute, l’être vivant tend son audition (l’exercice de sa faculté physiologique d’entendre) vers des indices ; rien, à ce niveau, ne distingue l’animal de l’homme. […]. Cette première écoute est, si l’on peut dire, une alerte. La seconde est un déchiffrement ; ce qu’on essaie de capter par l’oreille, ce sont des signes ; ici sans doute l’homme commence : j’écoute comme je lis, c’est-à-dire selon certains codes. Enfin, la troisième écoute, dont l’approche est toute moderne (ce qui ne veut pas dire qu’elle supplante les deux autres), ne vise pas – ou n’attend pas – des signes déterminés, classés : non pas ce qui est dit, ou émis, mais qui parle, qui émet : elle est censée se développer dans un espace intersubjectif, où “j’écoute” veut dire aussi “écoute-moi” ; ce dont elle s’empare pour transformer et le relancer infiniment dans le jeu du transfert, c’est une “signifiance” générale, qui n’est plus concevable sans la détermination de l’inconscient. (p. 217)
Françoise Escal dans Espaces sociaux Espaces musicaux (1979)[4] formule – trois ans avant Barthes, en termes similaires – la même pensée dans le chapitre « L’écoute de la musique ». En outre, Escal établit un parallèle entre l’écoute de musique et la lecture du texte littéraire qui toutes les deux impliquent un remaniement par l’auditeur ou le lecteur. Et dit-elle, :
Ce qui revient à dire que le sens de la musique n’est pas seulement déterminé par le compositeur (et l’interprète), mais aussi par l’auditeur. Celui-ci est un individu qui se met en jeu dans cette expérience-exploration qu’est l’écoute, qui, sur la base de son histoire individuelle et de sa fantasmatique, devient le metteur en scène du texte sonore auquel il donne un contenu, un sens diffus. L’écoute est alors l’expérience de sa projection, de son identification, de la constitution de son identité. (p. 187)
Bien qu’Escal se soit concentrée sur l’écoute de la musique et Barthes sur celle en général, pour ces deux auteurs, l’écoute est un acte psychologique qui engage l’auditeur en entier. Écouter, au contraire d’entendre, est une perception active et inclut voire forme la personnalité de l’auditeur. Nous désirons arguer le suivant. Par les ekphraseis musicales, Makine donne tout d’abord à entendre au lecteur (comme les ekphraseis de films et de photographies donnent à voir). Ensuite, ce dernier doit se mettre à l’écoute du texte pour en saisir le sens. Celui-ci, à son tour, est concentré dans l’ekphrasis qui en est le point de focalisation. Au niveau de la diégèse, la voix est le miroir acoustique pour celui qui d’abord entend, puis écoute. Au plan lectoral, l’ekphrasis sera le miroir acoustique pour celui qui, non seulement sait entendre, simple question physiologique, mais peut aussi écouter la voix de l’auteur synchronisée par la voix de la ou des chanteuses de l’ekphrasis. Cette dernière peut représenter un chant a cappella et monodique, comme celle de Sacha dans Requiem pour l’Est, ou une interprète accompagnée par plusieurs musiciens, comme dans Au temps du fleuve Amour.
Paroles chantées
Selon Cœuroy dans Musique et Littérature, c’est lorsque la voix chante une mélodie populaire qu’il s’agit de la voix la plus « persistante » de la musique. La voix pénètre au plus profond de l’inconscient[5]. Lorsque le chant se fait entendre dans les romans de Makine, il s’agit presque toujours de musique populaire émise par des voix de femmes. Celles-ci ont une gande influence sur l’auditeur. Le cas se présente dans Au temps du fleuve Amour.
Engourdi par l’avancée du sommeil, blotti au coin du feu, Mitia écoute les vieilles femmes, les amies de sa tante, lors des veillées d’hiver :
La chanson venait et les sauvait des nuages figés dans les yeux de leurs amoureux éphémères et des potins vieux de plusieurs années. Leurs voix s’éclaircissaient, s’élevaient. Et j’étais toujours surpris de voir à quel point ces femmes, ces ombres d’une autre époque, pouvaient être tout à coup graves et lointaines… Elles chantaient et, à travers mon sommeil voilé, j’imaginais ce cavalier qui luttait contre une tempête de neige et sa belle qui l’attendait devant la fenêtre noire. Et puis cette autre amoureuse qui implorait les oies sauvages de porter sa parole au bien-aimé parti “ derrière la steppe, derrière la mer bleue ”. Et je me mettais à rêver à tout ce qui pouvait se cacher derrière cette mer bleue surgie subitement dans notre isba enneigée… (p. 35, nous soulignons)
Bien qu’il soit à moitié endormi, les paroles de la chanson le mettent en état d’alerte[6]. En lui se libère l’appréhension d’un monde mystérieux autre que le quotidien. La musique le transporte au-delà de l’horizon, au-delà de la zone connue délimitée par le village et ses environs. C’est une invite au voyage. Les voix le surprennent dans un demi-sommeil. Il les entend et se met à l’écoute. Il déchiffre les paroles qui lui donnent à voir une steppe, un cavalier, des oies sauvages. L’écoute lui procure une vision. Par cette ekphrasis, se dévoile pour le lecteur la nostalgie du lointain, de l’ailleurs, dont est assailli le narrateur. Cette ekphrasis musicale esquisse la perméabilité du narrateur à l’imaginaire et annonce sa capacité de rêve grâce à une sensibilité de caractère et sa réceptivité à la musique.
Mitia écoute et laisse entendre au lecteur ce qu’il désire vraiment : être écouté. Cette ekphrasis, au début du roman, contient en essence le désir d’évasion dont est empreint tout le roman. De plus, elle illustre l’appropriation de l’espace romanesque par le narrateur/auditeur.
Pour le mammifère, son territoire est jalonné d’odeurs et de sons ; pour l’homme – chose souvent sous-estimée – l’appropriation de l’espace est elle aussi sonore : l’espace ménager, celui de la maison, de l’appartement (équivalent approximatif du territoire animal) est un espace de bruits familiers, reconnus, dont l’ensemble forme une sorte de symphonie domestique : claquement différencié des portes, éclats de voix, bruits de cuisine, tuyaux, rumeurs extérieures […][7].
Pour Mitia, les bruits familiers sont les voix de sa tante et ses amies qui chantent ces airs populaires qui le bercent aux portes du sommeil, presque de l’inconscient. Par le son, il s’approprie le territoire spatial de la chanson, réflexion spéculaire de son imaginaire en devenir.
Vocale, la musique l’est majoritairement dans Au temps du fleuve Amour où la voix de la femme rousse se fait entendre à un moment majeur de la vie de Mitia : celui où il vient de perdre sa virginité. La voix lui communique l’apaisement du conflit émotionnel dans lequel l’a précipité sa nouvelle disposition sensuelle. Une vie neuve s’ouvre à lui. La vie d’un garçon devenu homme par la connaissance du corps féminin qui marche la nuit dans la taïga sans crainte des loups. Désireux de revoir la femme, Mitia se dirige vers son isba :
C’est à ce moment-là que j’entendis sa voix…
C’était un chant qui semblait venir de très loin, comme s’il avait eu à parcourir des espaces infinis avant de commencer à ruisseler dans cette isba enneigée. La voix était presque faible, mais il y avait en elle cette étonnante liberté pure et vraie des chansons qu’on chante dans la solitude, pour soi-même, pour le vent, pour le silence du soir. Les paroles venaient au rythme de la respiration, interrompues de temps à autre par le craquement du bois fendillé. Elles ne s’adressaient à personne, mais se fondaient imperceptiblement dans l’ombre bleue de l’air fraîchissant, dans l’odeur de la neige, dans le ciel.
Je ne bougeais plus, tendant l’oreille à cette voix venant du fond des neiges.
L’histoire de la chanson était toute simple. Celle qu’aurait évoquée n’importe quelle femme, le soir, le regard perdu dans la danse fluide des flammes. L’attente désespérée du bien-aimé, l’oiseau qui s’envole – heureux, lui ! – au-dessus de la steppe, les froids qui brûlent les fleurs d’été…
Oui, cette histoire, je la connaissais par cœur. Je n’écoutais que la voix. Et je ne comprenais plus rien !
Il y avait cette voix simple et douce, le ciel dont la profondeur foncée s’emplissait des premières étoiles, le souffle pénétrant de la taïga toute proche. Et le bouleau solitaire avec sa maisonnette encore vide, cet arbre gardant un silence attentif dans l’air mauve du crépuscule.
Je me redressai au-dessus de la percée, je regardai autour de moi. La voix qui s’écoulait sous le ciel, surgissant de cette ombre violette à mes pieds, semblait mystérieusement relier le silence limpide du soir et nos deux présences, si proches et si différentes. (pp. 163-166, nous soulignons)
Ce moment musical se coule dans l’intemporel reliant le ciel et ses étoiles à la neige et les présences de Mitia et de la femme rousse si proches et pourtant si éloignés l’un de l’autre. Les circonstances de l’écoute sont décrites avec soin. Mitia se rend chez la prostituée après avoir pris connaissance de son absence à la gare où elle se tient à l’ordinaire en l’attente d’un éventuel client. Il se dirige vers l’isba dont il aperçoit le toit. La neige la recouvre presque entièrement et seul le faîte des bouleaux émerge dans l’immensité lactescente. Conciliation de l’infini et du quotidien.
[…] l’écoute est cette attention préalable qui permet de capter tout ce qui peut venir déranger le système territorial ; elle est un mode de défense contre la surprise, ou inversement le besoin ; le matériau de l’écoute, c’est l’indice, soit qu’il révèle le danger, soit qu’il promette la satisfaction du besoin[8].
L’écoute procure à Mitia une certaine satisfaction sur les indices récoltés. Le rôle de la première écoute, dit Barthes, est de faire en sorte
que ce qui était confus et indifférent devienne distinct et pertinent, et que toute la nature prenne la forme d’un danger ou d’une proie : l’écoute est l’opération même de cette métamorphose[9].
La voix qui convoie la chanson d’amour lui annonce la possibilité d’assouvir son désir. La voix est la présence de l’absence, mais de l’absence toute proche, palpable. La voix le touche dans son intimité tendu vers l’amour, qui bien que charnel, n’en est pas moins vrai[10]. La voix lui fait comprendre, et sa solitude et son acceptation de cette solitude qu’il appréhende en l’autre. Grâce à la voix, il aura accès à un amour qui transcendera le quotidien. La seconde écoute, dit Barthes, consiste en celle du sens :
[…] ce qui est écouté, ce n’est plus le possible (la proie, la menace ou l’objet du désir qui passe sans prévenir), c’est le secret : ce qui est enfoui dans la réalité, ne peut venir à la conscience humaine qu’à travers un code, qui sert à la fois à chiffrer cette réalité et à la déchiffrer[11].
La voix dont il est à l’écoute, le laisse écouter sa propre voix et découvrir le secret enfoui en son moi profond :
[…] la première fois tu avais été naïf et inconscient, essaye à présent de jouir de ton désir pensé, de la compréhension du désir, de ta pensée victorieuse. Compose avec ce corps, avec tes sensations répertoriées une belle histoire d’amour. Dis-la, raconte-la, pense-la ! (p. 164).
La voix lui offre l’opportunité de saisir l’amour fictionnel. En cela, l’ekphrasis devient une mise en abyme du roman et le narrateur une hypostase de l’auteur qui conte un amour pensé, peut-être préalablement vécu, mais là n’est pas la question. C’est dans l’écriture – la lecture pour le lecteur – qu’il est vécu maintenant. L’ekphrasis musicale – vocale oserons nous dire, donne à entendre cet amour qui s’écoule de la mélodie comme le fleuve du titre à la frontière sino sibérienne. Par cette ekphrasis, Makine démontre subtilement la force de la pensée de l’amour supérieure à l’amour même. La composition de l’amour, de l’histoire d’amour, de l’histoire de l’Amour, en est une de souvenirs et de sensations.
De l’ekphrasis se détache avec insistance une indéfinissable complémentarité entre le provisoire et le pérenne qui procure à Mitia, presque une indifférence :
Au milieu de cette sérénité, je sentais avec un étrange détachement ma propre présence, semblable à un ressort pressé à l’extrême (p. 162).
À sa grande surprise, la femme n’est pas à l’intérieur mais en train de fendre du bois. Déconcerté par le bruit familier de la hache, il se questionne : attendre ou non ? Il essaie d’appréhender son environnement par l’écoute pour en conclure la conduite à suivre. Comportement tout à fait usuel chez l’être humain. Comme l’écrit Barthes,
Construire à partir de l’audition, l’écoute, d’un point de vue anthropologique, est le sens même de l’espace et du temps, par la capture des degrés d’éloignement et des retours réguliers de l’excitation sonore[12].
À ce moment précis de son indécision, retentit la voix. Tout comme pour Ulysse, la blessure du narrateur est refermée par le chant. Il s’éloigne de l’isba, s’assoit dans la neige pour écouter. Son écoute le réconcilie avec soi-même. La voix lui transmet la possibilité d’évaluation de l’espace dans lequel il évolue. À ce moment, Mitia devient un miroir acoustique, au sens physiologique du terme, la réverbération du signal sonore, la voix, lui offre l’appropriation du territoire[13].
Bien plus tard, à l’âge adulte et émigré en occident, il se rappellera dans un restaurant russe de New York cette voix à l’écoute d’une autre voix de femme :
À cet instant, dans le miroir derrière la nuque d’Outkine, je vois apparaître les musiciens. Le violon pousse un léger gémissement d’essai, la guitare émet un long soupir guttural, le bandonéon gonfle ses poumons en un chuchotement mélodieux. Enfin, toujours dans le reflet fumeux du miroir, je la vois, elle… Elle ressemble à une longue plume d’oiseau, dans sa robe noire. Son visage est pâle, sans une touche de fard folklorique. “ Oui, en effet, la machine marche bien, me dis-je en pensée. Sacha sait à quel moment il faut servir du charme slave… Les visages sont ramollis par l’abondance de nourriture, les yeux embués, les cœurs fondants… ”. Cependant, le chant qui s’élève ne semble pas faire le jeu de Sacha. C’est d’abord une note très faible qui tempère tout de suite l’élan des musiciens. Un son qui semble venir de très loin et ne parvient pas à dominer les bruits aux tables des dîneurs. Et si cette voix affaiblie s’impose quelques instants après, c’est parce que tout le monde, malgré l’ivresse et l’engourdissement, sent se déployer ce lointain neigeux derrière les murs tendus de velours rouge avec leurs icônes en papier. La voix monte légèrement, les dîneurs ne regardent plus que ce visage pâle aux yeux perdus dans le voile des jours évoqués par la chanson. Moi, dans la profondeur trompeuse du miroir, je la vois peut-être mieux que les autres. Son corps, longue plume noire, son visage sans fard, sans défense. Elle chante comme pour elle-même, pour cette nuit froide d’avril, pour quelqu’un d’invisible. Comme chanta une femme, un soir, devant le feu, dans une isba enneigée… Tout le monde connaît les paroles par cœur. Mais on accède à cette lointaine soirée perdue dans une tempête de neige sans déchiffrer les mots, en fixant la flamme de la chandelle jusqu’à ce qu’elle commence à grandir en vous laissant entrer dans son halo transparent. Et la musique devient l’air frais de l’isba sentant la bourrasque, la chaleur lumineuse du feu, l’odeur de cèdre brûlé, le silence limpide de la solitude…(pp. 204-205, nous soulignons)
Au sujet de la magie et de l’enchantement des voix humaines, Cœuroy rappelle que « Combarieu a montré jadis l’étroite liaison originelle du chant et de la magie » de plus il souligne que « tout le monde connaît les rapports linguistiques et sociaux de […] charme de chanter et d’enchanter[14] ». C’est à un véritable charme que sont soumis les dîneurs de Sacha. Devenu adulte, le narrateur se souvient de l’enchantement qui le reliait à la voix de la femme rousse. C’est une vision qui le submerge pendant l’écoute de la femme-oiseau. Son audition le lie à une évaluation spatio-temporelle. Par delà les années, ses souvenirs le rejoignent. La voix énonce alors le produit de la mémoire collective, la chanson dont tous les dîneurs présents connaissent les paroles.
L’auteur se fait l’arrangeur par l’entremise de l’ekphrasis musicale. Il harmonise et donne la couleur particulière à la chanson, métaphorisée par le teint de la chanteuse au « visage pâle aux yeux perdus dans le voile des jours évoqués par la chanson », et son orchestration, l’organisation des instruments d’accompagnement :
le violon pousse un léger gémissement d’essai, la guitare émet un long soupir guttural, le bandonéon gonfle ses poumons en un chuchotement mélodieux[15].
Dans ces ekphraseis, les paroles des chansons ont si peu d’importance qu’elles ne sont pas rapportées. Le cas est différent dans la suivante.
Chansons d’amour
Plusieurs vers de chansons sont teintés d’amour, mais ceux de La Femme qui attendait le sont plus que tous les autres. L’amour y est décrit d’une manière plus explicite. Peut-être s’agit-il encore plus de l’attente de l’amour, de sa réalisation, tant attendue, accentuée par les paroles :
L’amour c’est comme les crues au printemps, déclara Katérina, on n’y peut rien. Même si c’est l’automne maintenant… (p. 164).
Elle signifie que l’amour pourrait naître entre le narrateur et Véra. Ce que plusieurs de ses amies contestent avant d’entonner leur air.
Quelques voix rétorquèrent, mais elle effaça les protestations par une jolie ondulation des mains et le chœur attaqua, avec une cohésion déjà presque parfaite. Et quand, en soliste, elle leur répondit, d’une voix étonnamment claire et ferme, leurs bisbilles d’avant parurent dérisoires, juste un petit échauffement pour les cordes vocales.
“Il viendra d’au-delà de la mer, de la mer Blanche, vaste et froide”, chantait Katérina et le chœur reprenait : “… de la mer Blanche, il viendra…”
“Il viendra avec l’aurore qu’il trouvera là où le soleil se couche, il l’amènera pour toi, d’au-delà de la mer”, sa voix devenait plus songeuse et le chœur reprenait en écho plus lointain, en marquant le chemin parcouru par le voyageur.
“Zoïa, tu es toujours un peu en retard, essaie de suivre. Sinon, on va penser que tu t’endors…”(p. 164)
Le narrateur n’est pas à l’écoute des femmes. Il les entend simplement ce qui lui concède de qualifier d’échauffement pour les cordes vocales la bisbille des femmes. À l’écoute, il aurait entendu ce qu’elles ont entendu à l’écoute de leur environnement proche : l’amour naissant. Il n’écoute pas, il regarde, il voit leur corps.
La présence du public, en ma personne, rendit les vieilles femmes plus rigides, inutilement solennelles. Ou peut-être, au contraire, avaient-elles atteint, se donnant enfin pleinement à leur jeu, cette pesanteur hiératique qu’exigeait la cérémonie de jadis. Une gravité de terre labourée, une fixité d’idoles de bois, totems païens, que leurs ancêtres clouaient sur les portails des isbas. En mimant les scènes du mariage, elles s’avançaient avec la lourdeur menaçante des statues vivantes. Leurs voix, par contraste, résonnaient d’une sincérité et d’une douceur désarmantes, avec des intonations qui, comme toujours chez les artistes amateurs, trahissaient plus les émotions personnelles que celles des personnages. (p. 165, nous soulignons)
Au lieu de comprendre qu’il fait aussi partie du rituel, il s’en détache par son regard, alors que son écoute l’y incorporerait car « l’écoute c’est ce qui sonde » dit Barthes. Par l’écoute, le narrateur pourrait sonder la profondeur du chant, et par ce chemin, celle de son cœur. C’est cette absence d’écoute qui le fera s’éloigner et de Mirnoïé et de Véra, celle qui attendait, celle qui savait.
“Il viendra malgré les brouillards et les neiges, pour t’aimer…”, chantaient-elles. Mais leurs lèvres avouaient ce qu’elles avaient réellement vécu, elles : des hommes qui partaient et qui disparaissaient à jamais dans les fumées grasses de la guerre, des hommes couverts de blessures qui revenaient pour mourir sur le bord de ce lac.
“Et votre maison sera pleine de joie comme une ruche pleine de miel…” Et la sonorité des voix disait la solitude des isbas ensevelies sous la neige où elles avaient failli terminer leurs jours.
“Il viendra, entonna Katérina d’une voix plus forte qui marquait la fin proche de la cérémonie, il viendra, les bras fatigués par le voyage mais le chœur tout vif pour toi…”. (p. 166-167)
Le narrateur s’imprègne des paroles, le monde affiché par la chanson est une illusion. Ces vieilles femmes qui chantent l’amour et la venue d’un homme merveilleusement viril et attentif n’ont connu que le départ sans retour de l’être aimé, frère, fiancé, mari ou père. Et si par un hasard heureux – plus que rare – l’un d’eux revenait, il était couvert de blessures et son retour était le signe de sa mort prochaine. Ce qui n’empêche nullement les femmes de continuer :
Il viendra malgré la tempête de neige… Il viendra pour t’emmener là où l’aurore naît… Il viendra … […]. Il viendra avec l’aurore qu’il trouvera là où le soleil se couche, il l’amènera pour toi, d’au-delà de la mer. »
Les paroles résument de façon spéculaire la situation de Véra et du narrateur et en trahissent l’impossibilité de futur avec ironie. Le narrateur n’a aucunement l’intention de s’enterrer dans ce village aux abords de la mer Blanche. Au lieu de venir, lui aussi partira pour un voyage sans retour. Par son écoute, tout aurait pu changer. Les paroles ici aussi possèdent un caractère railleur et amer. Non seulement par rapport à la situation des femmes qui n’ont jamais connu le bonheur en dépit de leurs chants, mais aussi à celle du narrateur sur le point d’abandonner ce qui aurait pu être le plus précieux de sa vie. Les mots lui font prendre conscience de la situation passée et présente ainsi que celle des femmes et la sienne. Les voix parlent d’une liberté que les femmes n’auront jamais connue, ni lui non plus car son départ sera une fuite, non un acte de liberté. Le futur exposé dans les paroles signifie le passé de la situation vécue par les protagonistes. Il ne viendra pas car il est venu déjà. Et rien ne changera ni pour Véra, ni pour lui, ni pour les chanteuses. La situation peut être dissemblable et le chant la changer totalement.
Chanson écran
Ce sera, par exemple, pour le narrateur enfant de Requiem pour l’Est une voix qui l’endort au moment où ses parents sont fusillés et il doit rester tranquille dans les bras d’une amie pour ne pas risquer le même sort :
C’est à travers l’essoufflement de sa lutte qu’il entend soudain une mélodie. Une musique à peine audible. Un petit chant presque silencieux que la femme murmure à son oreille. Il essaie d’en saisir les mots. Mais les paroles ont une étrange beauté libre de sens. Une langue qu’il n’a jamais entendue. Tout autre que celle de ses parents. Une langue qui n’exige pas la compréhension, juste la plongée dans son rythme ondoyant, dans la souplesse veloutée de ses sons.
Grisé par cette langue inconnue, l’enfant s’endort et il n’entend ni les coups de feu lointains multipliés par les échos, ni ce long cri qui parvient jusqu’à eux avec tout son désespoir d’amour. (p. 20, nous soulignons)
Cette ekphrasis musicale est capitale. Non seulement la musique entendue sauve l’enfant de la mort puisqu’elle l’endort au moment opportun lui empêchant de signaler sa présence aux ennemis, mais elle forme aussi son premier souvenir. De cette voix, il se rappellera toute sa vie, elle l’accompagnera de par le monde. C’est une voix maternelle, une voix qui le berce. Une voix qu’il a emportée avec lui après l’avoir assimilée, capturée. Dans son très bel ouvrage sur les fascinations musicales, Camille Dumoulié dans Fascinations musicales (2006)[16] dit de la voix qu’elle est l’un des premiers objets maternels que l’enfant tente de capturer pour s’approprier sa mère :
une voix maternelle et fascinante qui enveloppe le fils dans les rets et les anneaux de ses modulations, lui faisant goûter le charme d’une jouissance originelle, primitive : celle du maternel mythique, hors normes, hors la loi. La voix, en effet, est un des premiers objets maternels que l’enfant voudrait capturer pour posséder sa mère, objet de désir toujours fuyant, trace d’une jouissance à jamais perdue (p. 175).
Par l’écoute, l’enfant s’approprie son environnement formé de la seule présence de Sacha. Elle sera une mère pour lui, et la voix entendue est en cela paradoxale qu’elle est le medium de la langue qu’il ne comprend pas, mais qu’il apprendra plus tard. Seul le son, la voix et ses inflexions sont pour lui présents et accessibles dans leur intangibilité.
« La voix qui chante, dit Barthes, cet espace très précis où une langue rencontre une voix et laisse entendre, à qui sait y porter son écoute, ce qu’on peut appeler son “grain” : la voix n’est pas le souffle, mais bien cette matérialité du corps surgie du gosier, lieu où le métal phonique se durcit et se découpe » (p. 226).
Que Barthes nomme le « grain » cette particularité de la voix est moins important en rapport avec cette ekphrasis que le fait qu’il dise que ce grain n’est abordable qu’à celui qui sait y porter son écoute. Dans l’ekphrasis, il semblerait ainsi que l’enfant soit tout écoute et la voix le touche et l’enveloppe dans un châle de protection, dans sa matérialité qui lui est ainsi accessible.
Les ekphraseis musicales de ce paragraphe dépeignant des voix chantées, des chants de femmes, procèdent toutes de l’élaboration identitaire du personnage. Toutefois, elles exposent principalement son côté et son ascendance russes par les paroles qu’il écoute ou entend sans les comprendre. Ces voix, par leur émission dans l’espace, peuvent être considérées comme une expression, mais aussi comme un travestissement de l’intimité, ce que Pierre Iselin nomme une « aporie de l’incarnation » dans Poétiques de la voix. Angleterre, Irlande, États-Unis[17]. Les voix enchantent les personnages entre ravissement et condamnation. Par ces ekphraseis, Makine met en place un univers dans lequel le lecteur à l’écoute peut entendre les voix des différents personnages, mais aussi la sienne et celle de l’auteur. Cette manière de transposer dans le registre des mots les possibilités du son dramatise l’action. Makine substitue les voix dépeintes par les ekphraseis à la sienne. L’écoute parle. Les narrateurs écoutent et parlent de leur désir d’évasion et c’est l’exil de l’auteur qui transparaît. Dans la mélancolie des paroles et du son, son indubitable nostalgie du pays perdu se laisse saisir. Dans les ekphraseis de voix parlées, un autre mécanisme se laisse écouter.
Chant parlé
Comme indiqué précédemment, dans Requiem pour l’Est, tout comme dans La Musique d’une vie, la musique est un motif récurrent faisant irruption dans la vie du narrateur aux moments les plus critiques. Néanmoins, la musique y est principalement vocale, même si la voix n’y est pas toujours musique. Enfant, le narrateur de Requiem pour l’Est est sauvé par le chant qui le berce doucement et l’endort. Au contraire, à l’âge adulte, une certaine voix, loin de l’apaiser, lui transmet des pulsions de crime. Il aimerait égorger son propriétaire. Cette voix chante les prouesses du matériel de guerre dans un discours publicitaire :
Curieusement, c’est grâce à un homme qui adorait la guerre que je sus préserver cette incompréhension salutaire.
Instructeur de carrière, petit, robuste, impeccable dans son uniforme de mercenaire d’élite, il présentait aux soldats les nouvelles armes et les engins de guerre, expliquait le maniement, comparait les caractéristiques. La salle où il professait était séparée de notre bloc opératoire par un mur peu épais. Sa voix aurait pu, à mon avis, percer le tintamarre d’une colonne de chars. J’entendais chaque mot. […]
Sa voix était entrecoupée seulement par celle, moins forte, de l’interprète et de temps à autre par les questions des soldats. Je finis par détester ce ton qui se voulait à la fois professoral et décontracté. […]
L’idée de faire irruption dans la salle et d’égorger le militaire devant ses auditeurs me venait souvent à l’esprit. Une scène de révolte pour un film sur les guerre coloniales, me disais-je aussitôt en comprenant que la vie, par sa routine, par la paresse de ses compromis, allait peu à peu me réconcilier avec la voix derrière le mur. […]
En effet, je l’écoutais sans la colère d’autrefois. Comme tout conférencier de talent il avait son sujet de prédilection. C’étaient les hélicoptères de combat (il avait piloté plusieurs modèles avant de devenir instructeur). Ce thème le rendait épique. En répétant aux générations de soldats le même récit, il était parvenu à élaborer une véritable mythologie qui retraçait la naissance de l’hélicoptère, les faiblesses de son enfance, les audaces de sa jeunesse et surtout les exploits techniques des derniers temps. Le fabuleux engin transportait les camions, exterminait les chars, se couvrait d’appareillages qui le protégeaient des missiles. Je sentais que la voix derrière le mur allait d’une minute à l’autre se moduler en strophes. […]
La voix qui résonnait derrière le mur et m’exaspérait tellement au début était sur le point de s’effacer dans l’indifférence amusée lorsque soudain je perçai son secret. C’est grâce à de tels poètes que les guerres devenaient efficaces et durables. Il fallait cette passion pure, cet enthousiasme de croyant qu’aucune géopolitique ne pouvait remplacer. (pp. 32-35, nous soulignons)
L’ironie voilée de ce passage apparaît à une lecture contrapunctique. Un savant russe d’Ukraine, Igor Ivanovitch Zikorsky est l’inventeur du système de navigation des hélicoptères, encore utilisé de nos jours : rotor principal simple avec rotor de queue. Un mécanisme non incorporé à l’ekphrasis par Makine, mais que le lecteur peut entendre s’il se met à l’écoute du texte.
Dans cette ekphrasis, Makine démontre le clivage de la voix porteuse d’altérité. Elle est la voix de l’autre. Évanescente et paradoxalement insistante, elle transperce le mur et vrille les tympans. Cette voix est le contraire de l’intimité ; elle est intrinséquement publicité. Elle fait l’article. Elle envahit le territoire du narrateur et seul le déchiffrement l’autorise à saisir une solution à son malaise. Il reste à l’écoute de soi-même et distingue sa colère comme une vanité. L’audition l’informe de la nature véritable de l’enjeu : la réconciliation avec son environnement nécessaire à la vie en société, même si celle-ci s’agite au-delà du mur, ce dernier n’étant que la frontière aisément transgressée par le son.
L’écoute de la voix inaugure la relation à l’autre : la voix, par laquelle on reconnaît les autres (comme l’écriture sur une enveloppe), nous indique leur manière d’être, leur joie ou leur souffrance, leur état ; elle véhicule une image de leur corps et, au-delà, toute une psychologie (on parle de voix chaude, de voix blanche, etc.) Parfois la voix d’un interlocuteur nous frappe plus que le contenu de son discours et nous nous surprenons à écouter les modulations et les harmoniques de cette voix sans entendre ce qu’elle nous dit.[18]
En outre, par cette ekphrasis, Makine effleure et thématise les raisons de la guerre, des guerres sans un long développement sur le sujet. Les poètes sont responsables de leur durée, avance-t-il avec une légère ironie, sans omettre un coup de griffe à la religion métaphorisée par les fervents croyants plus efficaces que la géopolitique. Alors que l’excitation sonore l’envahissant à l’écoute de la voix de l’instructeur lui transmet des velléités de meurtre, la voix d’un autre instructeur qui le prend sous son aile lui procure la paix.
Dans le bateau qui l’emmène vers une nouvelle vie au cœur de la tempête qui le terrorise : « Il faut faire quelque chose, je ne veux pas mourir ! Pas maintenant… » s’exclame-t-il. La tempête fait rage et il ignore si son compagnon l’a entendu geindre. Toujours est-il que la voix de celui-ci s’élève comme semblant sortir du cœur de la tourmente :
Il parlait d’un ton monocorde comme s’il s’adressait à lui-même et comme si son récit se poursuivait déjà depuis un moment. Étonnamment, cette litanie parvint à s’imposer à travers la rage des vagues et l’hystérie du vent, telle la trace égale et droite d’une torpille sur une mer agitée (p. 50).
La voix parle de désert, situation diamétralement opposée à celle où ils se trouvent, et – pour cette même raison – lui apporte l’apaisement. Comparée à une torpille, la voix en a l’efficacité. Elle fait exploser sa peur.
Une autre voix, insolite celle-ci, est celle d’un soldat qui le surprend lui et son amie au moment où ils sont sur le point de se faire abattre :
Sa voix perça à travers le braillement des soldats, car elle était méprisante et très sûre d’elle. Plus tard, tu parlerais d’extraterrestre (p. 215).
Cette voix les sauve de la mort à laquelle ils étaient voués.
Enfin, quelques années plus tard, lorsqu’il a perdu toute trace d’elle, un appel téléphonique lui rappelle la voix de son aimée et les moments passés ensemble dans la complicité :
Un jour en répondant au téléphone, je crus entendre ta voix, presque inaudible dans le chuintement d’un appel qui semblait venir du bout du monde. Je criai plusieurs fois ton nom, le mien aussi, les derniers que nous avions portés. Après un grésillement sourd, la communication se fit, impeccable, et j’entendis, trop près même de mon oreille, un rapide débit chantant, dans une langue asiatique (vietnamienne ou chinoise…), une voix féminine, très aiguë et insistante et qui ne laissait pas comprendre s’il s’agissait de petits rires ininterrompus ou de sanglots. Je gardai pendant plusieurs jours en moi la tonalité de ce bref chuchotement infiniment lointain, cet impossible sosie de ta voix, vite effacé par les criaillements de la Chinoise.
Ce chuchotement dans lequel j’avais cru reconnaître ta voix me rappela une soirée lointaine, dans cette ville qui brûlait derrière notre fenêtre avec sa moustiquaire déchirée. Je me souvenais que ce soir-là, la proximité de la mort, notre complicité face à cette mort m’avaient donné le courage de te raconter ce que je n’avais encore jamais avoué à personne : l’enfant et la femme cachés au milieu des montagnes, des paroles chantées dans une langue inconnue… (p. 100)
Pour le narrateur de L’Amour humain, c’est aussi une voix qui lui apporte la paix dans une situation critique. Un compagnon de captivité qu’il pense mort se met à parler tranquillement et il comprend :
Sa voix était inexpressive, détachée et ne cherchait pas à m’impressionner. Tout simplement (je le comprendrais plus tard), elle m’offrait la possibilité d’attendre sans trembler. De ne pas me figer à chaque coup de feu, à chaque cri. Ses paroles étaient là pour m’apprendre à mourir quand il faudrait mourir (pp. 17-18).
Cette voix surgie au milieu de la nuit dans l’obscurité d’une cellule lui redonne la force de lutter, de ne pas sombrer dans le désespoir complet. Elle est l’étincelle de vie à laquelle il s’accroche.
Par ces ekphraseis de voix parlées, Makine dépeint profondément la capacité et le mode d’écoute de ses personnages. Les moments d’alerte où ils s’éveillent à l’écoute après avoir entendu la voix, mais aussi ceux où il faillissent à se mettre à l’écoute de l’autre et de soi. En contrepoint, l’ekphrasis thématise l’incertitude entretenue par la voix, intangible et insaisissable, mais néanmoins présente dans une matérialité ressentie dans les tréfonds de l’être. Makine donne au lecteur à entendre le pouvoir de présence de la voix. Il désire être écouter et partage, pour ce faire, un espace romanesque où la voix décrite dans l’ekphrasis musicale synchronise son discours empreint de nostalgie. Impalpable et invisible, la voix matérialise l’indicible douleur du pays perdu car jamais accédé et inaccessible du moi profond de l’auteur. Par l’ekphrasis, la voix devient l’ambassadrice de cette contrée lointaine et offre au lecteur ses lettres de créance et de crédibilité.
Notes
[1] Sur le chant de Charlotte et la musique dans Le Testament français, cf. notre article « L’Image acoustique dans le Testament français d’Andreï Makine », Roma, Pagine, Plaisance, n° 1, anno 1°, 2004, pp. 17-28.
[2] Pour la définition d’ « ekphrasis musicale », cf. le chapitre III de notre thèse : Andreï Makine. Présence de l’absence : une poétique de l’art (photographie, cinéma, musique), thèse de doctorat, Université d’Amsterdam, 2008, publiée.
[3] Roland Barthes, L’Obvie et l’obtus, Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982.
[4] Françoise Escal, Espaces sociaux. Espaces musicaux, Paris, Payot, 1979, p. 187.
[5] André Cœuroy, Musique et littérature, Paris, Librairie Bloud et Gay, 1923, p. 151.
[6] Sur l’éveil du narrateur chez Makine, cf. Murielle Lucie Clément, « Le regard, l’écoute et l’éveil dans Le Testament français d’Andreï Makine » dans Andreï Makine. Recueil 2007, Amsterdam, Emelci, 2007, pp. 191-210.
[7] Roland Barthes, L’Obvie et l’obtus, Essais critiques III, op. cit., p. 218, souligné dans le texte.
[8] Ibidem, p. 219.
[9] Roland Barthes, L’Obvie et l’obtus, op. cit., p. 220.
[10] Sur le lien de Mitia et de la prostituée, cf. « Naši ljudi. De la famille chez Andreï Makine » dans Murielle Lucie Clément e.a., Les Relations familiales dans les littératures française et francophone des XXe et XXIe siècle, Paris, L’Harmattan, 2 vol., vol. 1 « La Figure de la mère », 2008.
[11] Roland Barthes, L’obvie et l’obtus, op. cit., p. 221.
[12] Ibidem, p. 218.
[13] Cf. note 4.
[14] André Cœuroy, Musique et littérature, op. cit., p. 17. Cf. aussi Murielle Lucie Clément « Les Femmes de Mérimée », Roma, Bérénice. Rivista Quadrimestrale di Studi Comparati E Ricerche Sulle Avanguardie. Anno XI – N° 29 – Luglio 2003, pp. 104-114.
[15] Que le narrateur passe de la première personne du singulier à la troisième personne indéfinie, le pronom « on », pour parler de la tempête de neige, signale qu’il évoque peut-être plus qu’une situation météorologique, car il a eu aussi sa propre tempête de neige. Souvent symbole ou synonyme de la Révolution russe dans la littérature post-révolutionnaire, elle signifie aussi, par métaphore toute révolution personnelle, et certainement celle de ceux qui connaissent l’exil, une révolution en soi, comme la plupart des dîneurs de ce restaurant new-yorkais la connaissent.
[16] Camille Dumoulié, « La voix furieuse », in Fascination musicales, Camille Dumoulié ed., Paris, Desjonquères, 2006.
[17] Pierre Iselin et Élisabeth Angel-Perez eds., Poétiques de la voix. Angleterre, Irlande, États-Unis, Paris, pu Paris-Sorbonne, 2005, p. 7.