Vladimir Fédorovski

 

“Vladimir Fédorovski”, dans Passages et Ancrages en France. Dictionnaire des écrivains migrants de langue française (1981-2011), Sous la direction d’Ursula Mathis-Moser et Birgit Mertz-Baumgartner, Paris, Honoré Champion, 2012

Après l’école primaire intégrée à dix ans, entre à l’Institut des relations internationales, le MGMO, en 1967 où il apprend l’anglais, le français et l’arabe. En 1972, envoyé en poste à Nouakchott (attaché de l’Ambassade soviétique). De 1976 à 1978, interprète du Kremlin pour la langue arabe à la demande de Brejnev. De 1978 à 1982, attaché culturel de l’Ambassade soviétique à Paris. À son retour à Moscou, chef de cabinet au Ministère des Affaires étrangères. Conseiller de Gorbachev et porte-parole du Mouvement pour les réformes démocratiques. 1985-1991: second séjour à Paris (conseiller de l’Ambassade). En 1992, s’installe définitivement à Paris, commence sa carrière littéraire simultanément à sa fonction de professeur à l’HEC de Paris. Nationalité française en 1995. En 2003, Prix Louis-Pauwels et Prix du meilleur document (Le Roman du Kremlin), Prix Castelot 2006 (Le Roman de l’Orient express).

V. F., auteur franco-russe ayant troqué le bureau de fonctionnaire contre celui d’écrivain s’est souvent rapproché de la carrière diplomatique dans ses ouvrages : son Histoire secrète d’un coup d’État, Moscou, 19 Août 1991, rédigée avec Ulysse Gosset, ou Le Département du diable : La Russie occulte d’Ivan le Terrible à nos jours, ou encore Le Fantôme de Staline dans lequel il condamne durement l’autoritarisme de Poutine en parfait exécuteur testamentaire de Staline, en sont des exemples. Bien qu’aucune étude approfondie n’ait été faite à ce jour sur les travaux de F., on est en droit d’affirmer que le thème de la migration ne s’y trouve pas au premier plan mais tout au plus en métaphore. Par ailleurs, il ne s’agit aucunement de romans au sens primaire du terme, mais de faits historiques plus ou moins avérés,  relatés de façon ‘romancée’. V. F. allie la précision de l’historien à l’art narratif du romancier. Grand admirateur de Bounine (1880-1953), le premier Russe à avoir reçu le prix Nobel de littérature, et de Valentin Kataïev (1897-1986) en ce qui concerne les écrivains russes, et de Guy de Maupassant pour les Français, F. publie en 1985 sa thèse de doctorat sur le rôle des cabinets dans l’histoire de la diplomatie française (Histoire de la diplomatie française). À partir de là, toute l’œuvre de F. traitera de la Russie, de sa politique ou de ses personnalités éminentes qu’il s’agisse d’artistes ou de politiques. Ses ouvrages ‘historiques’, qui s’adressent principalement à un grand public, présentent généralement des documents inédits – parfois sous forme de témoignage comme, dans Le Fantôme de Staline, celui de Joukov, le vainqueur de Berlin. Des faits significatifs communément inexplorés jusqu’à présent forment la trame de son œuvre. Selon l’auteur, Staline, comme d’autres, est un personnage mal connu de l’Histoire : de ce fait il s’efforce de donner une image nouvelle des personnages qu’il évoque et de jeter un regard neuf sur l’ambiguïté historique accompagnant leurs actes méconnus ou mal connus. Ses récits, de construction assez sophistiquée, fondés sur des faits précis, illustrent fréquemment une vérité parfois dérangeante pour l’opinion établie de la doxa. Beria et Raspoutine y côtoient Staline et Poutine. F. s’applique à décrypter l’indéfectible culte du secret soigneusement entretenu au sein des archives où il puise ses informations, ordinairement confidentielles. Une grille de lecture qui privilégie les rapports entre le pouvoir et la police d’État, dévoile une culture imprégnée de méfiance, une architecture gouvernementale insolite et incompréhensible. Les références trop directes à la langue maternelle semblent soigneusement évitées. Seuls quelques sigles passés dans le langage courant tel KGB y font une allusion discrète. C’est –  majoritairement – dans Les Égéries russes que l’auteur révèle sa parfaite connaissance des deux cultures et sa double appartenance à la culture française et à la culture russe. Son érudition monumentale se reflète dans tous ses ouvrages sans exception rédigés avec prudence, sur le ton d’une confidence mesurée. Il y révèle beaucoup, mais y tait très certainement plus encore, équilibrant savamment blâmes et louanges. De la naissance du Kremlin et de l’Opritchina à Poutine et le KGB, F. laisse vagabonder son imagination sans toutefois réciter chronologiquement les chapitres de l’Histoire, mais procédant par grandes enjambées brutales, par anecdotes successives empreintes de signification symbolique. Du burlesque à l’ironie, sans abstractions inutiles, F. dépeint un monde camouflé sous les arcanes de la diplomatie dans les allées du pouvoir. Le fantôme de Staline hante ses ouvrages au point d’en devenir l’un de ses titres dans lequel il divulgue le versant sombre des événements du Kremlin. Les secrets d’alcôve, les hauts faits d’armes et les bons mots s’enchevêtrent habilement au fil des pages mêlant petite et grande histoire tout au long de l’œuvre.