Makine et autres

« Les Russes et la Russie dans quatre romans de l’Extrême contemporain. Andreï Makine, Marc Dugain, Emmanuel Carrère, Frédéric Beigbeder » dans Revue des Lettres et de Traduction, Dossier: Le Roman actuel, N° 13, Université Saint-Esprit de Kaslik – Liban, 2008, pp. 369-385

 

Deux récentes études font état de la figure de la Russie et des Russes dans les romans français  du XIXè siècle[1]. Selon Charlotte Krauss dans La Russie et les Russes dans la fiction française du XIXe siècle (1812-1917) (2007), l’image du Russe ou de la Russie qui revient dans la littérature française des XXe et XXIe siècles ne sont pas fortuites et anodines. Tempêtes de neige enfouissant l’isba sous un immense et profond tapis, Transsibérien arrêté par les congères dans une taïga aussi inhospitalière qu’infinie, vodka dégustée au son des balalaïkas, tristesse slave et violence datent de beaucoup plus loin dans le temps et reflètent des clichés établis au XIXe siècle. Ivan Tourgeniev en fut certainement l’un des instruments le plus actif. En effet, très attaché à la cantatrice Pauline Viardot, il vint s’installer en France à Bougival[2] où sa « datcha » sert de musée, pour se rapprocher de sa grande amie. Fréquentant de nombreux intellectuels français, il joua le rôle de médiateur culturel.

Dans L’Image de la Russie dans le roman français (1859-1900) (2005), Janine Neboit-Mombet conclue : « Si nous considérons notre corpus dans son ensemble, l’image de la Russie en tant qu’image de “l’Autre” est ambivalente, difficile à classer » (p. 472). Neboit-Mombet analyse un corpus de deux cent cinquante ouvrages de la seconde moitié du XIXe siècle. « La France éprouve pour la Russie, dit-elle, une attraction mêlée de crainte. La Russie est immense, lointaine, mystérieuse, inquiétante. Elle le reste même alors que son intelligentsia fréquente nos universités, que ses nantis font prospérer nos stations thermales et balnéaires, et laissent des fortunes sur nos tables de jeu. La Russie gêne et inquiète par sa double nature. Elle est le pays du Nord, symboliquement associé aux valeurs du froid et de la mort »[3].

Dans l’image de la Russie tracée dans les fictions, la France trouve son reflet inversé : « Le despotisme russe est notre liberté, la séductrice russe notre épouse fidèle, le nihilisme fanatique notre libéralisme raisonnable. À travers des intrigues et des personnages divers, dans des styles variés et d’inégale valeur littéraire, le roman met toujours en scène les préoccupations qui sont celles de la France du moment, des adversaires français règlent leurs comptes par Russes interposés »[4]. L’auteur pose la question de l’évolution de cette image au XXe siècle. La Révolution russe et l’après-guerre semblent l’avoir peu entamée : « Jusqu’à la guerre de 1914, si nous en jugeons par les quelques romans que leur date de publication nous a fait éliminer de notre corpus, nos conclusions nous paraissent toujours valables »[5]. Toutefois, la Révolution d’Octobre suscite une attitude polémique tendant à « dominer toute réflexion comme toute fiction, entraînant une polarisation entre “manie” et “phobie”, “utopie” et “idéologie” »[6]. Certains auteurs s’inspirent de leurs voyages et de leur expérience de l’empire russe, mais « d’autres choisissent de placer une action en Russie ou d’intégrer dans une œuvre un personnage russe, alors qu’ils ne sont jamais allés eux-mêmes à Saint-Pétersbourg, à Moscou voire plus loin »[7].

La Russie des tsars – par son éloignement – non seulement permettait, mais incitait à l’ouverture d’un imaginaire porteur des « images les plus fantastiques »[8]. Si en cela, la France n’avait pas l’exclusivité, elle était toutefois l’un des pays qui – par sa littérature – a le plus contribué à la propagation des clichés. Il est vrai qu’au XIXe siècle, le peuple français – à l’exclusion de rares marchands et savants – était ignorant de l’empire des tsars et ses us et coutumes. Lorsque Pierre Ier visita la France en 1717, il fut perçu comme un homme assez fantasque et de peu d’éducation. La situation avait peu changé deux siècles plus tard. Ce contact – par ailleurs comme les suivants – ne concernait qu’une couche très mince de la société, et de ce fait :

la part des malentendus et des illusions est considérable. Par la suite, pendant la Révolution française, les membres de la noblesse française qui émigrent en Russie sont nombreux – jusqu’à ce que, sur ordre de […] Catherine II, férocement opposée à tout mouvement révolutionnaire, ils se voient forcés de rompre tout contact avec leur pays, ou de repartir. C’est ainsi que, pour la grande majorité de la société française, la première confrontation directe avec l’univers russe est la campagne de Russie que Napoléon entreprend en 1812, confrontation d’autant plus impressionnante qu’elle se termine par la célèbre débâcle de la Bérézina. [9]

Certains récits de voyage, tel celui du marquis de Custine, La Russie en 1839, font date et serviront de pierre d’achoppe aux littérateurs ultérieurs qui se « positionn[eront] par rapports à ses lettres et récits »[10]. Toutefois, « si d’un côté, les récits de voyage, articles de journaux et autres textes plus ou moins scientifiques ont l’intention d’informer le lecteur sur la réalité et de l’aider à comprendre le monde russe, de l’autre côté, la fiction, produit de l’imaginaire, n’a pas avec le monde extérieur une relation de vérité, mais de signification “hypothétique” »[11]. L’univers fictionnel a donc pour vocation d’être non pas « vrai », mais « vraisemblable ». Il faut tenir compte du suivant : « Quelle que soit l’expérience de l’auteur, la Russie et les Russes tels qu’ils apparaissent dans la fiction française [et nous pourrions ajouter dans toutes les fictions] diffèrent considérablement de la Russie réelle et de ses habitants »[12].

Si ces clichés – stéréotypes et mythes – forment « un paysage aux attributs caractéristiques ainsi que plusieurs personnages-types aux comportements prévisibles au XIXe siècle »[13], qu’en est-il au XXIe siècle ? Le roman continue-t-il à propager les mêmes stéréotypes comme l’affirme Charlotte Krauss[14] ? Dans une tentative de répondre à cette question nous avons choisi d’analyser quatre romans de quatre auteurs contemporains du XXIe siècle : Frédéric Beigbeder, Au secours pardon[15], Emmanuel Carrère, Un Roman russe[16], Marc Dugain, Une exécution ordinaire[17] et Andreï Makine, L’Amour humain[18].

Un Roman russe est une fiction documentaire dont l’auteur a le secret[19]. En effet, pour son précédent roman auquel l’auteur fait amplement allusion dans cette fiction, la presse l’a loué pour ce talent :

Carrère ne s’est pas contenté de pénétrer sur le territoire de Romand pour y lever la carte des enfers comme on levait autrefois la carte du Tendre : gouffre du mensonge, torrent de l’escroquerie, océan de l’anéantissement, marais de l’imposture, abîme de l’amour de soi. Malgré sa répulsion – ou à cause d’elle –il s’est jeté dans cette histoire. […] Il n’a pas seulement, comme Truman Capote dans De sang-froid, reconstitué la machinerie des crimes, il a voulu comprendre quelles forces obscures en mouvaient les engrenages. Il s’est mis en danger. Son livre ressort brûlant de cette immersion.[20]

Cette interrogation sur l’identité et ses abysses d’incertitude, sur l’être et le paraître, sur l’illusion et l’insaisissable vérité des êtres et du monde, Emmanuel Carrère l’a déjà développé à maintes reprises, dans plusieurs de ses livres précédents, qu’il s’agisse de La Moustache ou du fascinant Je suis vivant et vous êtes morts, sorte de biographie de l’écrivain Philippe K. Dick, génial illuminé paranoïaque et mythomane. Une préoccupation qui explique aussi sans doute qu’on trouve dans la remarquable bibliographie de l’écrivain une sorte de traité sur l’uchronie, Le Détroit de Behring. Comme s’il s’agissait, de manière chaque fois différente et infiniment pertinente, de prendre la mesure de la précarité de la perception de soi et du réel, d’une incertitude aux allures de gouffres sans fond, intrinsèque à la conscience humaine, ressentie, dans L’Adversaire, jusqu’au vertige.[21]

Dans Un Roman russe, il s’agit de la vie intime d’un narrateur embarqué à la recherche de ses racines familiales au cours du tournage d’un film en Russie profonde. Il fouille son passé et le secret enfoui : la disparition d’un grand-père probablement puni pour crime de collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale. « Écrire la vie de quelqu’un n’est certes pas si nouveau »[22], mais cette figure grand paternelle est le tabou dominateur de son enfance. Sa mère ne lui en a jamais parlé. D’autre part, les personnages de ce roman – à l’inverse de ceux répertoriés par Viart – ne sont pas d’extraction populaire, mais là aussi « le récit de l’autre […] est le détour nécessaire pour parvenir à soi »[23]. L’indentification de la figure maternelle est précise et reconnaissable : Hélène Carrère d’Encausse. Cette quête des origines se poursuit parallèlement avec la narration d’une passion amoureuse. Le narrateur, sous les affres de ses maux de cœur, écrit une nouvelle érotique dans Le Monde pour sa dulcinée. Celle-ci ne la lira point. Trois fils narratifs s’entremêlent : le documentaire, la fibre familiale et l’érotisme.

La folie et l’horreur ont obsédé ma vie. Les livres que j’ai écrits ne parlent de rien d’autre. après l’adversaire, je n’en pouvais plus. J’ai voulu y échapper. J’ai cru y échapper en aimant une femme et en menant une enquête. L’enquête portait sur mon grand-père maternel, qui après une vie tragique a disparu à l’automne 1944 et, très probablement, été exécuté pour faits de collaboration. C’est le secret de ma mère, le fantôme qui hante notre famille. Pour exorciser ce fantôme, j’ai suivi des chemins hasardeux. Ils m’ont entraîné jusqu’à une petite ville perdue de la province russe où je suis resté longtemps, aux aguets, à attendre qu’il arrive quelque chose. Et quelque chose est arrivé : un crime atroce. La folie et l’horreur me rattrapaient. Elles m’ont rattrapé, en même temps, dans ma vie amoureuse. J’ai écrit pour la femme que j’aimais une histoire érotique qui devait faire effraction dans le réel, et le réel a déjoué mes plans. Il nous a précipités dans un cauchemar qui ressemblait aux pires de mes livres et qui a dévasté nos vies et notre amour. c’est de cela qu’il est question ici : des scénarios que nous élaborons pour maîtriser le réel et de la façon terrible dont le réel s’y prend pour nous répondre.[24]

Le roman s’ouvre sur le récit d’un rêve érotique où le narrateur fait l’amour avec son amie et l’une des passagères du train pour la Russie. Il confesse être très épris d’une femme récemment rencontrée et porte l’espoir, grâce à cet amour, de changer les aléas de son existence. Avant cette liaison, la folie, la souffrance, l’obsédaient jusqu’à la dépression qui a trouvé son point culminant lors de l’écriture de son précédent récit, L’Adversaire. Cette fois, il a malgré tout accepté de faire un reportage en Russie sur un pauvre Hongrois, emprisonné pendant la Seconde guerre mondiale, et complètement oublié. Le malheureux est « retrouvé » par hasard, vieux, amputé d’une jambe et mal sur tous les points. La réapparition du vieil Hongrois après cinquante ans d’oubli a sonné le glas d’une autre disparition : celle de Georges, le grand-père maternel d’Emmanuel Carrère.
Malgré la réticence de sa mère, Hélène Carrère d’Encausse, Emmanuel Carrère veut mettre à la lumière ce qu’elle a enfoui et tu, mais qu’il sait confusément, et, pire encore, qu’il sait honteux : le passé de ce grand-père disparu en 1944, à Bordeaux.

Alors qu’il s’était promis de ne plus écrire sur des sujets sordides, il accepte une dernière fois : « Je me dis que oui, je vais raconter une dernière histoire d’enfermement, et que ce sera aussi l’histoire de ma libération ». Kotelnitch (un village russe) est le point de départ de cette quête de délivrance, d’où le titre du roman. À Kotelnitch, il ne rencontre que tristesse, mort et désespoir, le tout enrobé d’une couche épaisse de neige.

Pour le narrateur, ce voyage en Russie se révèlera pure déambulation intellectuelle et psychologique offrant la possibilité d’une quête de ses origines slaves et de son grand-père. Sa mère, célèbre académicienne, lui a conjuré de ne jamais révéler le secret honteux de son père avant sa mort. Toutefois, ce fardeau, trop lourd à porter, le hante et le garrotte. Afin de respirer, il ouvre donc la boîte de Pandore : le grand-père était un collaborateur pendant l’Occupation nazie. Désormais, bien que libéré d’un poids étouffant, le narrateur sait que ce secret ne lui appartient pas mais était celui de sa mère. Il tente d’expliquer son geste dans une lettre épilogue. À l’évidence, les liens filiaux ont été brisés depuis longtemps entre eux. Par sa lettre, le narrateur essaie de les renouer et quémande l’absolution pour le dévoilement du secret.

Tu aurais voulu que je sois un écrivain comme, je ne sais pas, Erik Orsenna : un type heureux ou qui, en tout cas, le paraît. Moi aussi, j’aurais bien voulu. Je n’ai pas eu le choix. J’ai reçu en héritage l’horreur, la folie, et l’interdiction de les dire. Mais je les ai dites. C’est une victoire. […].
Le livre est fini, maintenant. Accepte-le. Il est pour toi.[25]

Ses recherches dans le passé – celui du Hongrois, et celui de son grand-père – sont doublées par l’apprentissage ou le réapprentissage du russe, la langue « maternelle ».
Son rapport à la langue est empreint d’ambiguïté. Il ignore s’il s’agit de la découverte d’une langue, ou d’un retour vers une langue connue qu’il a essayé d’apprendre par le passé, sans parvenir à un niveau communicationnel vers autrui. Le moindre de ses progrès l’exalte, et toute régression le plonge dans la dépression.
Malgré la présence continuelle d’un traducteur à ses côtés, il mesure le succès de toute entreprise à l’aune de sa maîtrise linguistique – par ailleurs jamais obtenue.
Il a placé la barre trop haut pour réussir : s’affranchir en devenant maître de ce qu’il considère comme le « propre » de sa mère.

Le ton du roman est certainement amer, certains mots incontestablement douloureux.

Cela changera peut-être un jour, je ne sais pas, mais les mots dont je dispose ne peuvent servir à dire que le malheur.
Ils ont servi, cette fois encore. Je n’ai pas sauté par la fenêtre. J’ai écrit ce livre. Même s’il te fait du mal, tu admettras que c’est mieux.[26]

Ce roman semble ce que Bruno Blanckeman nomme « une duplication de la réalité »[27], la narration « calculant au mieux ses adéquations à des profils de civilisation récents »[28]. Emmanuel Carrère se dépeint dépressif, agressif, manipulateur, fragile, amoureux, détestable, brillant, misérable aussi parfois. Il évoque sa famille, des noms, qui n’ont d’importance que pour lui et son entourage. En revanche, lorsqu’il dépeint son intimité, ses états d’âme, ses moments de mélancolie voire de dépression, le lecteur peut y découvrir ses propres névroses, ses propres doutes. Cet écho est d’autant plus perceptible que l’auteur a souvent recours à la deuxième personne du singulier, s’adressant à son amie ou à sa mère. Le lecteur a ainsi l’impression de dialoguer avec l’auteur.

Dans Au secours pardon, suite au célèbre 99 Francs, le personnage désormais quadragénaire, Octave Parango, ex-publicitaire et ancien animateur de télévision, passé brièvement par la case prison, double romanesque de son créateur, est de retour. L’homme a fait table rase : retiré de la publicité, il a quitté Paris pour Moscou, terre de toutes les libertés consuméristes – boîtes de nuit, concours de beauté trafiqués, séances de photos libidineuses, soirées orgiaques dans la résidence d’un oligarque. Devenu « fashiste » – néologisme regroupant les mots fashion et fascisme – la dictature des apparences ont force de loi, en plaçant la beauté physique  – allure blonde et pommettes saillantes – au-dessus de tout, il arpente cette fois la Russie de long en large afin de dénicher « La Fille », le modèle appelé à devenir la nouvelle égérie de la plus grande marque mondiale de cosmétiques, celle qui représentera « La Femme » unique, celle qui représentera trois milliards de femmes et leur donnera envie d’acheter crèmes de jouvence et maquillage. Employé d’une grande agence de mannequin, le voici donc « talent scout » à la recherche du nouveau visage pour le marketing du leader mondial des cosmétiques, L’Idéal. Ce nouvel emploi coïncide avec le quarantième anniversaire d’Octave qui, selon lui, l’aurait fait « devenir fou ». Car les démons parisiens d’Octave ne l’ont pas quitté, et se sont même accrus. Il est toujours accro à l’argent, au sexe, et à la drogue.
C’est par hasard qu’Octave rencontre en Russie le père orthodoxe Ierokhpromandrit, qu’il a connu à Paris. Il entame avec lui une longue confession. Alors que l’homme de la mode organise un grand concours de beauté, l’homme de foi lui donne les coordonnées de Lena Doytcheva, une beauté de quatorze ans souhaitant se lancer dans le mannequinât. Se définissant lui-même « serial heartbreaker », Octave, chercheur perdu parlant souvent de GPS, finit par tomber totalement amoureux de son double féminin à la jeunesse insolente, relation aux effets forcément dévastateurs. Il sombrera dans la démence lorsque la demoiselle l’abandonnera.

Dans ses bagages, il emporte Dostoïevski, Tourgueniev, Nabokov, Boulgakov qui « parlaient français » et leurs fulgurances littéraires dont il semble ne jamais pouvoir se séparer. Avec Léna, ils déambulent chastement dans le jardin d’été, à l’endroit où Pouchkine venait lire, visitent l’appartement où Dostoïevski a écrit les « frères Karamazov ». Octave connaît et récite avec talent les grands auteurs russes en pleurant devant les filles dont il entame la séduction. Il sanglote à volonté, à l’inverse « des garçons russes qui ne pleurent pas sauf au service militaire », et peut donc jouer les romantiques transis d’amour.

Dans un pays post soviétique devenu amnésique depuis ses crimes impunis, le narrateur dénonce d’une juste manière, bien qu’il y contribue, le fashisme de la mode et la marchandisation des Êtres humains – surtout du genre féminin, mais aussi l’exploitation du désir masculin – le jeunisme forcené (et ses corollaires, pédophilie, inceste, terrorisme, guerre des sexes. Il conte son histoire nettement scénaristique où il évolue dans une nouvelle Russie – gouvernée par un capitalisme sauvage – en proie aux acteurs de la corruption. Dans ce règne aryen de l’oligarchie et des pétrodollars où les scènes de torture sexuelles sont violentes, tout – s’il ne l’était au départ – devient affaire de pouvoir, d’argent, de pornographie. Selon Octave, la liberté nouvellement conquise, s’est manifestement acquise trop vite ou trop mal.

Sa vie oscille entre la confession de ses fautes auprès du pope et ses prières dans les églises parisiennes d’un côté et la chasse à la blonde pour la nomenklatura de l’autre. Dans cette jungle de business glacial, tous les personnages évoluent dans un zoo humain, entre beuveries et nuits blanches dans des bars à danseuses dénudées. Le lecteur est témoin de plusieurs séances photos pimentées et sexy où il ne peut définir s’il est manœuvré en position de voyeur ou de participant involontaire. Octave, en pleine crise existentielle, promène son désenchantement au rythme des déhanchements de ses poupées russes. Sans consistance, il se ment et se corrompt sans conséquence. Instable, il hésite pour atteindre sa conscience, parvenir jusqu’à elle, l’irremplaçable Lena dont il est tombé amoureux. Comme le joueur de Dostoïevski, cynique, Octave provoque ce qu’il redoute d’affronter et finalement bascule dans ce qu’il tentait d’éviter. En pleine contemporanéité, nul n’est à l’abri du terrorisme et de sa contagion. Octave y succombe en acteur et occasionne un carnage.

Jusqu’à ce moment ultime du roman, l’Apocalypse, Frédéric Beigbeder dénonce cette nouvelle dictature d’un système aux paradis artificiels, dévorée par l’Oligarchie et dessine une métaphore autour de la guerre interminable entre la Tchétchénie et la Russie. C’est aussi la narration d’un homme de quarante et un ans, qui fait l’éloge de sa masculinité et de sa virilité exacerbée et conquérante. En cela, l’auteur traite « le profond mal-être qui traverse le corps social »[29]. Mais peut-être cherche-t-il « à maintenir par le récit la part irréductible de soi naguère contestée par les sciences humaines (structuralisme, sociologie) et politiques (matérialisme dialectique), sans pour autant prétendre réhabiliter une conception autocratique du Sujet, mais en ouvrant ses représentations à l’incertitude, aux forces et aux élans comme aux pertes et aux ellipse qui l’entretiennent »[30] ce qui nous amènerait à voir une « autofabulation »[31]. Mais le monde mis en scène se limite à des fragments. Que l’on pense à Serguei l’oligarque cynique et nihiliste, dans le rôle de l’affreux Idiot, au ciel souvent rose. Rose comme la rosée du matin ou les nuisettes des jeunes mannequins ou bien encore aux monuments de la Russie actuelle décrits en termes gourmets : « pâtisserie géante », « glaces à l’or », « coulis de framboises ». La fantasmagorie semble toute proche et la diégèse confiner au conte onirique, avec des palais bleus, des fontaines, des balades follement romantiques, et la romance platonique du sentiment d’éternité que rencontrerait un rêve incarné.

« Nous avons pensé faire pour le mieux, mais, au final, il s’est avéré que nous avons fait comme d’habitude. »

Par ces mots chargés de toute l’histoire de la Russie moderne, extraits d’un discours de Victor Tchernomyrdine, ancien Premier Ministre russe, s’ouvre Une Exécution ordinaire. 
Marc Dugain s’empare de « faits divers susceptibles d’éclairicr les manifestations les plus aiguës de la société actuelles »[32] en prenant soin toutefois que ces manifestations soient assez loin de la société du lecteur – français en l’occurrence. En quelques chapitres, s’inspirant de faits réels de la vie d’une famille russe, de la fin de l’époque stalinienne aux années 2000, avec en trame de fond la déliquescence de l’empire soviétique, la diégèse, toutefois, retrace plus la petite histoire que la grande, performance qui tient « du trompe-l’œil plus que de l’écriture du réel »[33]. Fabriquée dans un monde de mensonges et d’absurdité, elle se déroule subdivisée en sept parties. Le narrateur fait revivre sa mère, Olga Ivanovna Atlina, médecin attaché à un service hospitalier. Les échos de ses dons de magnétiseuse sont parvenus au Kremlin, et en 1952, elle est requise auprès du « Petit père des peuples » pour le soulager de ses douleurs. Dans les couloirs de la forteresse du pouvoir, elle croise le petit-fils du cuisinier de Staline, un certain Plotov. Pour des raisons de sécurité, elle doit quitter son mari qu’elle retrouve à la mort de Staline.

Une cinquantaine de pages relatent ensuite la fin des années 80 et le recrutement de Vladimir Vladimorovitch Plotov – dans lequel transparaît Poutine – par les officiers supérieurs du KGB. L’ambition de Plotov, ajoutée à ses convictions de serviteur du pouvoir et son habilité à contrôler ses affects, en font un investissement prometteur. Il sera mis à l’épreuve en Allemagne de l’Est. Chargé d’approcher une accorte Allemande, espionne, elle aussi, il résistera à ses charmes et ses deniers. In extremis, il n’aura pas à l’abattre. Il aura gagné ainsi la confiance du général du KGB. Par ce passage, Dugain présente le « compte rendu d’une enquête sociale »[34]

Le narrateur est professeur d’histoire d’un lycée sur une base militaire sur les bords de la mer de Barentz. C’est un personnage complexe, presque un anti héros, portant sur le monde un regard sceptique, capable de s’adapter à son couple en dissolution. Sa vie quotidienne est marquée par la dépression profonde et inexpliquée de sa femme Ekaterina. Ils ont une fille, Anna qui est journaliste et un fils, Vania, cadet dans la Marine. Sa première mission comme jeune officier sous-marinier s’effectue sur le Oskar – le lecteur comprend qu’il s’agit du Koursk. La proposition d’indemnité correspondant à la disparition de leur fils sera très élevée. Des descriptions du cadre géographique et écologique – isba, forêt, introduction fructueuse du crabe royal en mer, cimetières de navires nucléaires – parsèment ces passages et le contexte économique et politique – privatisations diverses, affairisme, luttes de pouvoir entre locaux d’une part, entre les services secrets du FSB et les oligarques enrichis sous Eltsine et l’accession au pouvoir du président russe Plotov, de l’autre – est amplement présenté. La narration ne « profère aucune “vérité” de l’événement ni du sujet : elle n’en produit que les failles et les tensions et ne les résorbe jamais »[35].

Deux personnages, amis du narrateur dominent le paysage diégétique. Boris, entrepreneur florissant qui a investi dans la pêche au crabe, et Anton, officier de sous-marin. Suit le naufrage dramatique et mystérieux du sous-marin Oskar où servaient Anton et Vania, par le biais d’une enquête d’un journaliste français secondé par la fille du narrateur. Cette enquête permet à l’auteur de faire le point sur les différentes hypothèses. Première thèse officielle russe : le Koursk a été coulé par un missile tiré d’un sous-marin américain, type Los Angeles, se sentant menacé par Oskar qu’il reniflait par l’arrière, ce qui avait énervé le commandant du Koursk faisant manœuvrer son sous-marin pour chasser l’américain. Seconde thèse officielle russe : l’explosion d’une vieille torpille à l’avant puis explosion du magasin à torpilles. Troisième hypothèse : le Los Angeles dans son reniflage a éperonné le Koursk par en dessous, provoquant une explosion. Quatrième hypothèse : la torpille explosive aurait été sabotée par des Tchétchènes et les ingénieurs du Daghestan montés à bord de l’Oskar. Les passages consacrés à l’Oskar sont centrés autour de la personnalité d’Anton, la minutie de son comportement. Il ne cède pas à la panique, calme ses hommes, agit avec méthode jusqu’à l’explosion suivant le décapsulage de la deuxième cartouche d’oxygène. Le fait divers devient ainsi sujet, mais « pose ainsi des questions moins sur lui-même que sur la façon dont on l’appréhende »[36].

Un second passage donne une image du président russe. La raison d’état commande son comportement, sans aucune humanité. En effet, aucun marin ne doit survivre, c’est-à-dire un possible témoin pouvant contredire la thèse officielle : « dans [ce] pays, on craint autant la parole des morts que celle des vivants, et on lui attache une importance telle qu’un mort n’est enterré que s’il n’a vraiment plus rien à dire ». Les secours ne peuvent venir des occidentaux : ce serait un camouflet pour la Russie et sa flotte en grandes manœuvres, l’Oskar ayant tiré avec succès, la fameuse torpille à capitation, Schvark, se déplaçant à 500 kilomètres/heure et qui donne l’arme absolue aux Russes puisque capable de couper en deux un porte-avions. D’où l’échec des premiers secours russes. Tous morts, les marins deviennent des victimes et l’aide étrangère – qui ouvrira avec facilité le sas d’accès – peut être acceptée.

Dans L’Amour humain, l’écriture est consacrée à la violence. Makine critique l’idéologie marxiste et le rêve communiste de la Russie. Mais, comme l’écrivent Dominique Viart et Bruno Vercier, au sujet de la littérature contemporaine, « toutes ces dénonciations ne sont pas indemnes d’ambiguïté politiques, éthiques et esthétiques »[37]  Bien que la défaite soit au cœur de ce roman et la débandade du marxisme dans les mouvements de libération africains, l’espoir perce par-delà les idéaux déçus : « l’amour rendait au monde sa gravité sans laquelle nous ne serions que des insectes pressés de jouir, de mordre, de mourir ». Le début du livre fournit la clef de la narration à venir :

Sans l’amour qu’il portait à cette femme, la vie n’aurait été qu’une interminable nuit, dans les forêts du Lunda Norte, à la frontière entre l’Angola et le Zaïre. J’y partageai deux jours de captivité avec un confrère, un instructeur militaire soviétique, et avec ce que nous prenions pour un cadavre étendu au fond de notre geôle en glaise séchée, un Africain vêtu non pas d’un treillis, comme nous, mais d’un costume sombre et d’une chemise blanche brunie de sang. Menacée, l’existence se montre nue et nous frappe par l’extrême simplicité de sa mécanique. Durant les heures d’emprisonnement, je découvris ces rouages frustes : la peur efface notre prétendue complexité psychique, puis la soif et la faim chassent la peur, reste l’ahurissante banalité de la mort, mais ce frisson de l’esprit devient vite risible face à l’inconfort des petites servitudes corporelles (comme celle, pour nous deux, d’uriner en présence d’un cadavre), enfin vient le dégoût de soi, de cette petite bulle d’être qui se croyait précieuse, car unique, et qui va crever parmi d’autres bulles. [38]

Invité à un colloque sur les « destins africains dans la littérature », un écrivain se souvient de l’Afrique qu’il a connue lors d’un emprisonnement. Vingt-cinq ans après l’accession de l’Angola à l’indépendance et sa plongée dans la guerre civile, il revient dans le pays où il a rencontré Elias Almeida, jeune angolais idéaliste, pendant l’enfer de cette nuit de captivité. Lors de la table ronde du colloque sur le développement durable, il s’absorbe dans ses souvenirs, relatant le parcours de son ami engagé dans l’insurrection du communisme. Le Père d’Elias lutte aux côtés de Lumumba et de Che Guevara et se heurte à la vraie tragédie historique, cette « vérité brute de la vie », incarnée dans les êtres torturés, violés et tués aveuglément.

Initié dès l’enfance, aux côtés de son père aux enjeux de la société marxiste, Elias rencontre Anna à Moscou durant son séjour dans un camp militaire pour « révolutionnaire professionnel ». Il  l’accompagne dans sa Sibérie natale quelques jours. De ce voyage, il conservera pour toujours « L’odeur de la forêt hivernale que gardaient les vêtements d’une femme remontant dans un train… ». Séparé de celle qu’il aime, cette sensation le visitera comme un leitmotiv lorsque – au Zaïre ou en Angola, avant le carnage de Mogadiscio – il poursuivra ses missions, plongé dans l’horreur des conflits armés. Luttant au service d’une chimère, Elias puisera dans l’amour la force de persister dans son rêve. Dans la quête incessante pour trouver un sens à l’Histoire – atroce, sans grand rapport avec les discours qui la théorisent –, les fantômes du passé surgissent telles des réponses obscures et obsédantes.

S’agit-il de cet « engagement ou creusement de la mémoire »[39] dont parlent Viart et Vercier ? Le narrateur dresse le portrait d’un monde où les femmes sont violées sans pitié et les enfants déchiquetés ou les plaies des hommes grouillent d’insectes. Les fosses communes peinent à contenir les corps jetés pêle-mêle dans leurs entailles et les flots de sang et de haines charrient les cadavres rejetés, déchirés par les tensions ethniques et idéologiques pilotées à distance par les molosses de la guerre froide. Ravages absurdes où montent en scène des idoles de contre-plaqué décorant les panneaux publicitaires, toiles de fonds des exhortations des harangueurs. Le lecteur peut identifier les images cathodiques quotidiennes du Vingt heures.

L’Amour humain patrouille les territoires antinomiques de l’Afrique et de l’URSS. Les plaines enneigées de la Sibérie ordonnancent le ballet des « scories humaines », hommes et femmes immolés sur l’autel de la quête de l’innovation promise par un pays – en fin de compte – rendu à ses limites. Des silhouettes solitaires et indéfinies errent dans l’immensité sibérienne, à la recherche d’une fraternité en ruine. Parmi « ceux qui n’attendent plus rien de la vie », ceux, pour qui le temps s’est dissous dans l’interminable désert blanc des hivers sans fin, Elias entrevoit la possibilité d’un bonheur improbable. Dans son parcours tumultueux, la terre d’Anna pourrait être une halte à l’écart de ses ambitions et de ses idéaux. Dans cet espace grisant d’infini, de calme et de liberté, après l’aboutissement des conflits et loin des vainqueurs, il pourrait avoir « la sensation intense de se reconnaître ».

À l’évocation de ses réminiscences, la voix du narrateur s’indigne. Au bord de l’écœurement, désabusé, il assiste aux joutes verbales des intellectuels invités à débattre sur « les destins africains dans la littérature ». Comédiens oublieux des réalités humaines, ils se répandent en vaines palabres, ressassent avec ferveur la semence régénératrice de l’Afrique « aphrodisiaque », à l’instant même où, de l’autre côté de la frontière, dans le tout proche Liberia, se perpétuent massacres et viols collectifs. Logorrhée extravagante et palabres creuses ne sont qu’insultes aux souffrances subies et souillent le souvenir de ces hommes qui ont lutté pour leur rêve inachevé. Selon le narrateur, le colloque est un cirque insoutenable où la mémoire d’Elias Almeida est bafouée.

Au XXe siècle, « les paysages enneigés russes, quant à eux, restent un cadre “typiquement russe” »[40] écrit Krauss référant à la chanson de Gilbert Bécaud Nathalie où la Place Rouge est recouverte d’un tapis blanc. Dans les quatre romans étudiés, la neige est, bien entendu, fidèle au rendez-vous. C’est probablement dans L’Amour humain qu’elle symbolise – au contraire de la chanson où elle est aussi synonyme du froid du régime communiste – l’amour. C’est le manteau – protection par excellence – qui en transporte l’odeur dans les plis de sa cape. Avec le roman de Carrère, transparaît ce que Neboit-Mombet appelle le « règlement de comptes par Russe interposé ». En effet, le narrateur y règle les comptes avec sa mère et la Russie et les quelques Russes rencontrés servent plus ou moins de toile de fond dans un entrelacement de fiction et d’autobiographie. Chez Beigbeder, la « femme séductrice » est mise en scène sur fond de vodka et de gangstérisme russe avec tous les clichés possibles. Quant à Dugain, son roman reflète avec la personne du président tout ce que le lecteur ne voudrait pas que sa société soit, dans une narration enchevêtrée de faits fictionnels et factuels. Ces quatre romans de l’extrême contemporain illustrent les clichés sur la Russie et les Russes établis au XIXe siècle comme les ont cernés Krauss et Neboit-Mombet avec, toutefois, plusieurs des techniques de la littérature au présent comme décrites par Blanckeman, Viart et Vercier. Un métissage de siècles littéraires en découle pour la plus grande joie du lecteur contemporain probablement pas plus au courant des us et coutumes de la Russie actuelle que ne l’était celui du XIXe siècle. Ce panachage permet l’identification nécessaire au plaisir de la lecture par la « reconnaissance » de ce qu’il pense savoir et garde l’exotisme intact qu’il ressent au déchiffrage des signes métatextuels codifiés et indispensables pour l’approche de l’inconnu.

Notes


[1] Janine Neboit-Mombet, L’Image de la Russie dans le roman français (1859-1900), Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2005 ; Charlotte Krauss, La Russie et les Russes dans la fiction française du XIXe siècle (1812-1917), D’une image de l’autre à un univers imaginaire, Amsterdam, Rodopi, 2007.

[2] Cf. http://www.tourgueniev.fr/; http://www.turgenev.ru/. Deux sites internet sur la vie et l’œuvre d’Ivan Tourgueniev.

[3] Janine Neboit-Mombet, L’Image de la Russie dans le roman français (1859-1900), op. cit., p. 475.

[4] Ibidem, pp. 475-476.

[5] Ibidem, p. 476.

[6] Ibidem.

[7] Charlotte Krauss, La Russie et les Russes dans la fiction française du XIXe siècle (1812-1917), op. cit., p. 391.

[8] Ibidem, p. 8.

[9] Ibidem, p. 10.

[10] Ibidem, p. 11

[11] Ibidem, p. 14.

[12] Ibidem, p. 391.

[13] Ibidem, p. 17.

[14] Ibidem, p. 7.

[15] Frédéric Beigbeder, Au secours pardon, Paris, Grasset, 2007.

[16] Emmanuel Carrère, Un Roman russe, Paris, P.O.L, 2007.

[17] Marc Dugain, Une exécution ordinaire, Paris, Gallimard, 2007.

[18] Andreï Makine, L’Amour humain, Paris, Le Seuil, 2006.

[19] Cf. L’Adversaire (P.O.L., 2000) ou Carrère se place habilement dans les pas de Romand : « Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L’enquête a révélé qu’il n’était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu’il n’était rien d’autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Je suis entré en relation avec lui, j’ai assisté à son procès. J’ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d’imposture et d’absence. D’imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu’il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d’autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m’a touché de si près et touche, je crois, chacun d’entre nous. »

[20] Le Monde, 7 janvier 2000.

[21] La Croix, 6 janvier 2000.

[22] Dominique Viart et Bruno Vercier, La Littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, Paris, Bordas, 2005, p. 77.

[23] Ibidem, souligné dans le texte.

[24] Emmanuel Carrère, Un Roman russe, op. cit., quatrième de couverture.

[25] Ibidem, p. 357.

[26] Ibidem, p. 353.

[27] Bruno Blanckeman, Les Fictions singulières, étude sur le roman français contemporain, Paris, Prétexte éditeur, 2002, p. 18.

[28] Ibidem, p. 29.

[29] Dominique Viart et Bruno Vercier, La Littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, op. cit., p. 224.

[30] Bruno Blanckeman, Les Fictions singulières, étude sur le roman français contemporain, op. cit., p. 143.

[31] Terme emprunté à Bruno Blanckeman. Cf. Bruno Blanckeman, Les Fictions singulières, étude sur le roman français contemporain, op. cit., p. 143.

[32] Dominique Viart et Bruno Vercier, La Littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, op. cit., p. 228.

[33] Ibidem.

[34] Ibidem, p. 230.

[35] Ibidem, p. 232.

[36] Ibidem, p. 234.

[37] Ibidem, p. 351.

[38] Andreï Makine, L’Amour humain, Paris, Éditions du Seuil, 2006, pp. 11-12.

[39] Dominique Viart et Bruno Vercier, La Littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, op. cit., p. 255.

[40] Charlotte Krauss, La Russie et les Russes dans la fiction française du XIXe siècle (1812-1917), op. cit., p. 694.