Le mensonge…

 

« Andreï Makine. Le mensonge, l’amour et la mort en musique » dans Écrivains franco-russes. Études réunies par Murielle Lucie Clément, Amsterdam / New York, Rodopi, 2008, pp.177-194

 

L’œuvre

Né en 1957 en Sibérie, Andreï Makine publie ses romans directement en français, mais traite presque exclusivement de la Russie ou la communauté russe. Les journalistes le nomment un « écrivain russe à Paris », image établie à la consécration de son quatrième roman, Le Testament français[1], couronné par le Goncourt, le Médicis et le Goncourt des lycéens. De l’inédit pour la société germanopratine qui avait laissé passer les trois précédents romans, La Fille d’un héros de l’Union  soviétique, Confession d’un porte-drapeau déchu, et Au Temps du fleuve Amour, sans les remarquer. Depuis 1995, chaque roman d’Andreï Makine fait l’objet de critiques, de mentions et surtout de spéculations et chacun d’entre eux suscite un grand nombre d’interrogations. Ces questions concernent souvent la personne de l’auteur et la recherche d’éléments autobiographiques dans son œuvre.

Le thème de la scission et de la rencontre Russie-Occident avec celui de la nostalgie pour le pays natal et l’enfance sont de loin les plus mentionnés avec une recherche des éléments autobiographiques. L’auteur est présenté comme un écrivain français[2]. Or, l’œuvre d’Andreï Makine englobe un univers qui transgresse les limites politico géoculturelles dans lesquelles les critiques essaient de la confiner avec le  thème de l’exil souvent employé pour la définir, l’auteur condamné à être un « Proust russe » ou un « Tolstoï français ». Cette approche occulte le pouvoir d’abstraction de l’écriture makinienne et fait fi de sa vision particulière qui transcende le quotidien en universel, le réel en virtuel, la présence en absence et vice-versa. Sans aucun doute l’œuvre d’Andreï Makine englobe une composante Est-Ouest  qu’il serait vain de négliger, mais, il serait tout aussi réducteur de la juger uniquement sur celle-ci.

Dans chaque roman se trouvent des éléments que les formalistes russes ont appelés « non littéraires », par exemple, des descriptions de photographies, de films, de chansons, d’instants musicaux majoritairement négligés par la critique. Dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique, ce sont une rengaine de propagande dévidée par un haut-parleur et une photographie sur un livret militaire qui attirent l’attention des personnages. Confession d’un porte-drapeau déchu présente un film de propagande anti-américaine aux spectateurs amassés dans la cour communautaire. La musique y délivre les deux héros qui la jouent après qu’ils furent subjugués par celle qu’ils entendaient. Au temps du fleuve Amour décrit trois films de l’acteur français Jean-Paul Belmondo et son effet sur les villageois et sur les trois amis protagonistes du roman. L’un d’eux réfléchit au sens profond de l’existence à l’écoute de la voix de la prostituée qui s’élève en une chanson populaire  après lui avoir fait perdre sa virginité et montré des photos. La contemplation de photographies porte le narrateur en transe dans Le Testament français, et la voix chantante de sa grand-mère retentit à plusieurs moments cruciaux de son élaboration identitaire. Olga Arbélina est fascinée par  l’image d’une antilope broyée par un boa constrictor  dans une encyclopédie. Son amie Li, photographe possède des tableaux en contre-plaqué où les visages de personnages connus sont évidés ce qui permet à ses clients de s’imaginer quelqu’un d’autre. Les deux amants de Requiem pour l’Est possèdent un album de photographies truquées qui authentifie leur couple factice et l’une des photos, complètement ratée et indéchiffrable pour quiconque, n’a de signification que pour eux deux. Le narrateur se remémore une voix qui modulait une chanson et le sauva d’une mort certaine. La Musique d’une vie ouvre sur une scène de gare à la sonorité transposée en musique verbale, roman dans lequel le personnage principal est musicien. La Terre et le ciel de Jacques Dorme offre des portraits de famille et dans La Femme qui attendait, c’est une photo de journal qui éclaire l’énigme de Véra pour le narrateur. Elias Almeida, le héros de L’Amour humain, est libéré de la peur par le son de la voix d’un de ses compagnons de captivité. Dans Le Monde selon Gabriel, il s’agit d’un univers télévisuel ayant remplacé la vie au quotidien. De ce qui précède ressort l’importance de la photographie, du cinéma et de la musique. C’est de la présence de cette dernière dans les romans dont il sera question ici.

La musique

Parler de la musique chez Andreï Makine ne signifie pas parler de musication ou de pseudo langage : l’aspect sémantique de l’écriture est la condition sine qua non à la compréhension des romans. Dans son cas, il n’est pas question non plus de l’insertion de fragments de partitions. Celles-ci, bien que rarement mentionnées, n’y sont décrites que très brièvement. En outre, parler de musique dans un roman revient à parler de description de musique, c’est-à-dire d’ekphrasis musicale : un roman n’est pas un support audio. Néanmoins, lorsque manié avec dextérité, l’art des mots peut souvent égaler le pouvoir suggestif de la musique comme le remarque Françoise Escal dans Contrepoints, Musique et littérature (1990)[3].

Au niveau des éléments nécessaires à leur constitution, la musique et la littérature sont analogues. Toutes les deux nécessitent une dimension spatiale et temporelle pour s’exprimer. Toutefois, les éléments essentiels de l’une ne jouent qu’un rôle secondaire chez l’autre. Dans Littérature et musique. Contribution à une orientation théorique : 1970-1985[4], Isabelle Piette argue que la musique, l’harmonie, est obtenue par l’organisation des hauteurs du son, « c’est-à-dire la significabilité des rapports de sons dans l’espace sonore ; celles des durées crée le rythme, c’est-à-dire leur significabilité dans le temps » (p. 25). Piette remarque à ce propos que bien que la hauteur et la durée soient également significatives en littérature, leur rôle y est différent. L’écrivain ne peut contrôler toutes les formules rythmiques ni maîtriser la hauteur du son (voix, intonation, etc.). Les sons de la littérature sont porteurs d’un sémantisme précis et dans une certaine mesure, conforme pour chaque lecteur ce qui n’est pas le cas pour les sons de la musique  même s’ils peuvent l’être pour des auditeurs possédant l’oreille absolue. Dans ce cas, la reconnaissance n’ira pas plus loin que l’identification du son, de la note en question. Pour reprendre les mots de Piette, « il faut donc, pour conclure, admettre que l’art des sons purs et celui des sons articulés et porteurs d’un sémantisme précis ne peuvent se substituer l’un à l’autre. Mais ils peuvent cependant s’avancer loin à la rencontre l’un de l’autre » (p. 26). Je pars de l’idée de cette rencontre dans les ekphraseis musicales de Makine.

Citations en contrepoint

Le concept de citation utilisé dans cette étude est fondé sur l’ouvrage d’Antoine Compagnon La Seconde main ou le travail de la citation[5] où la citation est considérée un corps étranger au texte, une transplantation, une greffe. Comme indiqué plus haut, les citations musicales proprement dites, c’est-à-dire des fragments de partitions, ne sont jamais insérées dans les romans d’Andreï Makine. Par contre, les citations de texte de chansons le sont fréquemment. En cela, les citations musicales chez Makine se rattachent à l’intertextuel. Ces citations seront approchées ici sur la base de quelques exemples pris dans différents romans. En premier lieu, je tente d’établir s’il s’agit de musique dans les romans. Deux citations du Testament français serviront de pierre de touche.

La première fois où le narrateur l’entend chanter,  Charlotte vient de raconter la visite du Tsar Nicolas ii et de l’Impératrice Alexandra Fedorovna, son épouse, à Paris. Le couple impérial, reçu par le Président Félix Faure (celui décédé dans les bras de sa maîtresse), assiste au grand Gala de l’opéra. Le spectacle terminé, La Marseillaise  retentit. Arrivée à ce point de sa narration, Charlotte soupire : « – Vous savez, en fait, c’était une marche militaire, rien d’autre, cette Marseillaise » (p. 44) et elle ajoute : « Le sang ne fait peur à personne à ces périodes[6] ». Puis, elle commence à fredonner deux vers de l’hymne national français : « L’étendard sanglant est levé… Qu’un sang impur abreuve nos sillons » (p. 44).

Charlotte est habituée à chanter ou fredonner. Son acte musical est remarqué par le narrateur qui en rapporte deux autres moments. Il s’agit d’une chanson aisément reconnaissable : Aux marches du palais[7]. La première fois se situe alors que le narrateur vient de découvrir une photo que, d’après lui, il n’aurait pas dû voir. C’est la photo d’une femme en veste ouatée portant une chapka de fourrure. À peine l’a-t-il aperçue  que son attention est détournée de la photographie par deux sphinx accouplés. Cette situation lui rappelle une vieille chanson de Charlotte. Les deux derniers vers lui reviennent en mémoire : « Et là nous dormirions / Jusqu’à la fin du monde » (p. 17). La seconde fois, il entend fredonner cette chanson, toujours par Charlotte, lorsqu’il vient par surprise à Saranza[8] sans être annoncé. Il a plus ou moins fui son domicile, décidé à arracher cette greffe française qui le torture. La seule solution possible est une confrontation avec Charlotte – la raison de son voyage inopiné. Il note alors deux couplets fredonnés par cette dernière : « Aux quatre coins du lit, / Un bouquet de pervenches…/ Et là, nous dormirions / Jusqu’à la fin du monde » (p. 227). Le premier couplet  noté, loin d’être le premier de la chanson, est significatif de la situation du jeune narrateur.

Selon Eero Tarasti dans A Theory of Musical Semiotics (1994)[9], « La musique est un phénomène qui se déroule dans le temps. Tout comme le modèle axiologique fondamental de la vie est ancré dans la temporalité, chaque œuvre musicale est, temporellement, comme le modèle de la vie humaine » (p. 59)[10]. Aisé de souscrire à cette partie de l’énoncé. La phrase : « Et là nous dormirions / Jusqu’à la fin du monde » nécessite un certain laps de temps pour être énoncée aussi bien verbalement, que musicalement. Le personnage se souvient de cette phrase musicale en tant que partie d’une composition musicale, à deux années d’intervalle. En conséquence, la musique, du moins dans cette situation diégétique, transcende aussi le temps. À deux ans d’intervalle, le narrateur se remémore le souvenir de cette chanson entendue lors de ses huit ans : « Et là, nous dormirions / Jusqu’à la fin du monde ». Un sommeil qui durerait si longtemps ressemblerait à la mort. Mais, ce souvenir ressurgit à la vue des deux sphinx accouplés. Et ces deux sphinx sont eux-mêmes survenus dans son champ d’horizon à la découverte de cette photo interdite, la photo de la femme à la chapka.

La musique comme élaboration identitaire

Comme je viens de le mentionner, Charlotte fredonne un passage de La Marseillaise en illustration à la visite du Tsar Nicolas ii à Paris. Le rapprochement fait par Charlotte mérite l’attention. Elle compare l’hymne français aux chants de la Révolution russe. Ce qui la frappe, et qu’elle énonce, c’est que « Le sang ne fait peur à personne à ces périodes… ». Or, Charlotte – si elle n’a pas connu la Révolution française – a subi de très près les avatars de celle de Russie de 1917 et les excès occasionnés.  « L’étendard sanglant » auquel elle réfère se teinte aussi du rouge des révolutionnaires russes. Le fait que le sang n’effraie personne est consubstantiel aux deux révolutions ainsi qu’à toutes les révolutions.

De plus, La Marseillaise, tout comme Aux marches du palais, est un lieu de mémoire français[11]. Dans ce sens, les deux citations font partie de l’élaboration identitaire française du personnage. Au niveau de la narration, la voix de Charlotte fonctionne comme un « miroir acoustique[12] ». « Le miroir acoustique » est une métaphore employée par Kaja Silverman comme structure à son argument développé dans son livre The Acoustic Mirror. The Female Voice in Psychoanalysis and Cinema (1988)[13]. Le miroir acoustique serait, selon Silverman, l’homologue sonore du miroir stipulé par Jacques Lacan dans « Le Stade du miroir[14] ». L’enfant rencontre son image dans la glace. Ce serait la mère qui joue un rôle primordial en indiquant à l’enfant son corps dans la glace. Silverman adopte l’expression de Guy Rosolato dans « La Voix : entre corps et langage[15] » pour qui la voix possède l’insigne propriété d’être émise et entendue simultanément. Elle fonctionne, au niveau acoustique, comme un miroir. En l’occurrence, la voix de Charlotte reflète simultanément au personnage son appartenance culturelle française et russe avec La Marseillaise nettement identifiée comme révolutionnaire et semblable aux chants russes. Toutefois, l’identité française prédomine par l’accumulation de l’hymne et de la chanson Aux marches du palais.

La seconde fois où la chansonnette Aux marches du palais nous est contée se situe après la connaissance du personnage avec l’amour physique. L’expérience a été brève. Toujours est-il qu’il n’est pas question de dormir « jusqu’à la fin du monde ». Pas plus que d’un lit avec « Aux quatre coins [], / Un bouquet de pervenches ». Pour être exact, il n’y a pas de lit du tout. La rencontre se passe à bord d’une péniche désaffectée sur un tas de vieux cordages et de feuilles mortes. Le clapotis des vagues de la Volga pour décor acoustique. Quatre années se sont écoulées depuis qu’il a entendu chanter La Marseillaise. Le garçon a maintenant quatorze ans et toujours, la musique le suit par l’entremise du fredonnement de sa grand-mère, d’une part, de l’autre grâce à ses souvenirs. Toutefois, ce qui lui paraissait si beau, il y a quatre ans, avec l’amour et la mort enlacés dans un sommeil éternel, lui semble dorénavant une sensiblerie française qui déchaîne sa colère. Il sait que les amants se séparent et que les pervenches n’entourent pas leur lit.

La citation de La Marseillaise et celles de Aux marches du palais peuvent être considérées comme de la musique dans la diégèse. Par contre, le bruissement des ailes du sphinx, s’il est une manifestation acoustique, ne peut nullement être défini comme de la musique, mais par son aspect éphémère, il en est une métaphore. En tant que symbole sonore, il est à inscrire dans les allusions musicales au même titre que « la fine musique des grelots », le « grincement des patins » ou le « dur martèlement des sabots » qui résonne dans « le froid sonore du matin[16] ». D’autre part, les citations musicales en question offrent un va-et-vient ente plusieurs univers culturels établissant ainsi un lien interculturel  englobant les axes spatial et temporel. Ce sont la France et la Russie qui s’y reflètent ainsi que leurs différents régimes politiques.

Citations en thème varié

Rechercher la présence de structures musicales, c’est-à-dire de la musique comme modèle de structure des romans de Makine est une démarche non sans danger. A-t-il bâti l’un de ses romans selon les lois de la sonate ou l’un de ses romans est-il fugué ? En fait, pour répondre à ces questions deux approches sont ouvertes. La première, une démarche hasardeuse démontrera que la construction d’un roman répond aux lois de la composition musicale d’une structure déterminée, sans qu’il y ait d’influence : « Ce type d’étude ne trouve parfois ses fondements qu’en jouant sur l’ambiguïté des mots (par exemple “thème” pris variablement dans son sens musical, littéraire ou thématologique), ou en jonglant avec des concepts trop vagues pouvant s’appliquer à plusieurs formes artistiques[17] ». C’est sur ce type d’ « approche analogique » que se sont fondées les critiques qui ont brièvement considéré la musique chez Makine[18]. Jean-Louis Cupers expose le danger auquel s’avance cette approche : « Le risque, dès qu’on prend un exemple précis de correspondance sans intervention du concept d’influence, vient de ce qu’on a pas de points de contact direct ou indirect, de rapport de fait, qui permettent de valider la recherche[19] ».

Une seconde approche, différente de la première, bien qu’elle se propose de mettre à jour les structures musicales latentes dans un roman déterminé, « affirme un point de contact quelconque entre l’œuvre littéraire et son auteur d’une part, et, d’autre part, sinon une œuvre musicale précise, du moins la composition musicale en général. Ce point de contact peut être une influence déclarée ou le penchant d’un auteur pour la musique, attirance telle qu’elle transparaît dans son œuvre[20] ». C’est cette seconde approche que je mets en pratique. Le point de contact est le penchant de Makine pour la musique : il chante en s’accompagnant à la guitare. De plus, il est connaisseur de musique classique et l’opéra ne lui est pas étranger.

Il est évident que toutes les structures musicales ne peuvent être reproduites avec autant de bonheur en littérature. Si c’était le cas, elles seraient des structures littéraires tout autant  que des structures musicales. Certaines, par contre, peuvent être adaptées avec succès. Selon Piette ce sont le thème varié, la forme sonate et la fugue. À cela, je souscris entièrement.

En soi, le procédé de la variation est aussi vieux que le monde. D’un point de vue structurel, il revêt une importance égale en musique et en littérature. La variation implique la répétition : pour être reconnue comme telle, elle doit se faire à la fois ressemblance et différence, de telle sorte que chaque variation sur un thème apparaisse comme une version différente de ce thème. Identité et différence, qualité opposées, se concilient donc dans une même œuvre. La littérature, tout comme la musique, utilise ce procédé depuis le plus petit degré : il apparaît dans la métrique poétique, tout comme dans les mesures musicales. (p. 57)

Je désire arguer que la structure du thème varié se retrouve dans l’accumulation ou la répétition de certaines ekphraseis musicales qui se présentent sous forme de citation[21].

Le mensonge

Par exemple, le thème du mensonge apparaît régulièrement dans les romans, mêlé à la musique. Dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Ivan part à la poursuite de quelque nourriture qui pourrait, lui et sa famille, le sauver de la famine mortifère qui sévit alentour. Sa femme est restée au village dans leur isba avec leur fils nourrisson. Au moment tragique où les effets prolongés de la faim la submergent et l’entraînent vers la mort, Tatiana entend une chanson à la radio :

Ce jour-là, le dernier avant sa longue prostration, dans la chaleur étouffante de midi, Tatiana entendit la chanson à la mode qu’on passait chaque jour. Les mouches noires sonnaient sur les vitres, le village se taisait, écrasé de soleil, et coulait cette chanson douce et tendre comme le loukoum :

À l’entour, tout devient bleu et vert

À chaque fenêtre chantent les rossignols

Il n’y a pas d’amour sans un brin de tristesse. (p. 46, souligné dans le texte) 

La musique s’écoule d’un haut-parleur noir au-dessus de la porte du soviet. Le secrétaire du Raïkom l’a fait installé bien en vue, et surtout bien en ouïe, des kolkhoziens afin d’accroître leur sens politique. Cette musique est d’autant plus cruelle que Tatiana meurt littéralement de faim. Elle doit écouter la propagande soviétique qui assure un paradis radieux dans lequel elle devrait être heureuse de vivre et retentissent « les marches de bravoure et la voix du commentateur prête à exploser de joie » (p. 45). Le même commentateur rapporte les performances mirobolantes « du travail des Soviétiques » et fustige « les ennemis du marxisme, agents de l’impérialisme ». Dans cette scène, la musique surgit dans le silence du village et le bourdonnement des mouches suggère dans le contexte, les grosses mouches bleues et vertes qui viennent s’agglutiner autour d’un cadavre. La chanson « douce et tendre comme le loukoum » allude plus un poison qui se distille lentement qu’un air apportant un soupçon de bonheur comme les paroles le suggèrent.

Lorsque Ivan revient de son expédition, la radio continue de hurler car personne n’est là pour l’arrêter. Alors qu’il découvre son enfant mort dans les bras de sa femme inconsciente, la même rengaine, mais un autre couplet, s’échappe d’une voix douce de l’appareil :

À l’entour, tout devient bleu et vert

Dans la forêt chantonne le ruisseau

Il n’y a pas d’amour sans un brin de tristesse. (p. 47)

Ivan exaspéré, « aveuglé par les larmes » détruit le haut-parleur d’un jet de pierres bien placé et seul un oiseau lointain laisse entendre son chant : « Un silence vertigineux s’installa. Seul quelque part au bord de la forêt, comme une mécanique, le coucou lançait son cri lancinant et plaintif » (p. 47).

Ce qui frappe dans les deux couplets est la similarité et la différence. Le premier vers tout à fait identique : « Alentour, tout devient bleu et vert » suggère le printemps et le renouveau possible auquel il est généralement associé. Dans le contexte, il métaphorise aussi la manière de voir similaire du mari et de la femme. Le second vers diffère : « À chaque fenêtre chantent les rossignols » pour le premier couplet et « Dans la forêt chantonne le ruisseau » pour le second. Le troisième vers est encore identique pour les deux couplets.

« À la fenêtre chantent les rossignols ». Dans la tradition folklorique, la voix de la femme, jeune et jolie surtout, est souvent associée à celle d’un rossignol dont le caractère lyrique métaphorise l’amour. Or, Tatiana, sur le point de mourir, pratiquement entrée en agonie due à la famine, n’est certainement pas en état de proférer une parole et encore moins de chanter comme un rossignol même si elle est à la fenêtre, position qu’elle avait prise pour guetter le retour d’Ivan. Toute l’ironie cachée de son sort transparaît dans ce vers. « Le brin de tristesse » se révèlera être un deuil inconsolable et terrible : la perte de son enfant succombé à la pénurie alimentaire.

D’autre part, dans l’encadrement de la fenêtre, son fils dans les bras, Tatiana évoque une icône, une Vierge à l’Enfant qui porte son Enfant mort bien que le Christ dans les bras de Sa mère soit un homme à l’âge adulte. La cruauté de son destin rappelle, par le truchement du rossignol de la chanson, celui de Philomèle qui ne pouvait raconter ce qu’elle avait vécu[22]. Le chant de l’oiseau est investi de significations variées, voire quelquefois contradictoires, où l’amour et la mort s’entrelacent et le chant du rossignol est la « voix du silence » qui permet de « dire » sans recours à la communication verbale[23]. Et c’est l’amour de Tatiana pour son fils et la mort de ce dernier qu’encadrent les deux citations de la chanson. Makine insiste ainsi par l’encadrement de citations sur les affres de l’amour maternel et la douleur de la perte de l’enfant pour les parents. En contrepoint, c’est la famine occasionnée par la collectivisation et les discours politiques sur le sujet qui se déchiffrent[24].

Dans le second couplet, le ruisseau chantonne dans la chanson si loin de peindre sa propre situation. Seul le coucou s’installe dans le silence vertigineux[25]. Le silence, métaphore de la mort de son fils auquel répond le coucou, un oiseau qui pond dans le nid des autres comme la propagande s’infiltre dans le cerveau de chacun pour lui voler sa vie et sa mémoire. Le vers « Dans la forêt chantonne le ruisseau » où il est aussi question de chant, est, dans le contexte, une allusion au ruisseau qu’Ivan avait découvert dans la forêt lorsqu’il faisait la guerre. C’est un souvenir qu’il ne peut partager (pp. 27-28). Cependant, c’est aussi la première confrontation avec soi-même et surtout avec la différence entre ses souvenirs et son vécu et la propagande officielle pour et sur la guerre.

La musique de laquelle il prend conscience de la nature mensongère, lui cause le même choc diffus que celui qui l’assaille lorsqu’il se rend compte être dans l’incapacité de raconter ses souvenirs véritables, c’est sa première prise de conscience. Pour Tatiana, l’écoute de la musique correspond à la perte tragique de son enfant. Les paroles doucereuses sont le soulignement ironique de la situation désespérée des deux époux. Le caractère mensonger de la propagande est dissimulé par les paroles. Fréquemment, la propagande est mêlée à la musique dans les romans comme il apparaît aussi dans Confession d’un porte-drapeau déchu étudié plus loin.

En musique, « Le thème varié consiste en la présentation, dans sa version la plus simple, d’un thème et en la succession de variations qui sont comme autant de répétitions de ce thème, progressivement modifiées, accompagnées de traitements différents. […][26] ». Toutefois, malgré les variations, le thème devra rester perceptible. Mais, « Le thème, au sens musical, ne s’incarnera pas nécessairement dans un thème au sens où on l’entend traditionnellement en littérature. Cette donnée initiale susceptible d’être variée diversement pourra aussi bien être figurée par une action ou par une situation que par un contenu intellectuel abstrait[27] ». Le thème du mensonge initié par les deux citations musicales ressurgit sous des variations diverses dans ce roman. Le mensonge de la propagande, celui des hommes du kgb envers Olia, la fille d’Ivan ; le mensonge de celle-ci envers son père auquel elle cache sa profession. Mensonge d’Olia aussi envers ses clients qu’elle espionne et ainsi de suite. Dans ces deux citations se discerne de même des liens intertextuels avec différents univers culturels. Ceux-ci tissent une trame interculturelle sur l’axe spatio-temporel.

Les couplets comme refrains

Le refrain se particularise par la répétition régulière d’un ou plusieurs vers dans une même chanson ou un poème. Généralement, le refrain se distingue soit typographiquement isolé entre les couplets ou les strophes, dont il est séparé par un interligne, soit rattaché au couplet ou la strophe qui le précède. Son rôle consiste à rythmer. Dans ce dessein, il insiste sur plusieurs vers, porteur d’un message important. Pour étudier les citations suivantes, l’outil d’Antoine Compagnon sert de point d’ancrage. En effet, ne dit-il pas : « La question “Que veut-il ?” paraît la seule qui convienne à la citation : elle suppose en effet que quelqu’un d’autre s’empare du mot, l’applique à autre chose, parce qu’il veut dire quelque chose de différent. Le même objet, le même mot change de sens selon la force qui se l’approprie : il a autant de sens qu’il y a de forces susceptibles de s’en emparer. Le sens de la citation, ce serait donc la relation instantanée de la chose à la force actuelle qui l’investit[28] ». Dans la citation suivante de La Fille d’un héros de l’Union soviétique, que veut dire l’auteur ? Quel sens donner aux paroles de la chanson rapportées ?

Ivan et Tatiana assistent à des soirées organisées avec leurs voisins. Ils dansent ensemble sur un air échappé d’un tourne-disques :

Te souviens-tu de nos rencontres

Et de cette soirée d’azur,

Des mots fiévreux et tendres,

Ô mon aimé, ô mon amour… (p. 50)

Cette citation de couplet de chanson fait office de refrain. Makine y expose le thème de l’amour qui revient tout au long du roman dans un grand nombre de variations possibles. Amour inconditionnel de Tatiana et d’Ivan. Ce dernier sombre dans l’alcoolisme et la déchéance à la mort de sa femme. Amour de la Patrie, entonné par les vétérans de la bataille de Stalingrad. Amour de l’argent qui conquiert la liberté pour les prostituées. Amour feint des dirigeants pour la population, exhibé en propagande véhiculée par les chansons où l’amour et la politique sont thématisés. En cela, les chansons sont une manière de créer ou de renforcer la mémoire collective.

L’amour

Une chanson est une œuvre musicale composée d’un texte et d’une mélodie indissociables l’un de l’autre. Makine les dissocie que ce soit des chansons fictionnelles ou véritables n’est pas l’enjeu. L’apport de sens l’est. Comme le signale Compagnon, « La citation, une manipulation qui est elle-même une force et un déplacement, est l’espace privilégié du travail du texte ; elle lance, elle relance la dynamique du sens et du phénomène » (pp. 43-44). Pour le redire simplement : « La citation est un opérateur trivial d’intertextualité » (p. 44). En ce sens, seules les compétences du lecteur permettront de déceler les rapports des deux textes en présence. Makine utilise les citations de couplets de chansons comme un refrain au long de l’œuvre. Insérée entre deux espaces blancs, la citation, aisément repérable, mobilise la vigilance du lecteur. Dans le couplet que je viens de cité et sur lequel dansent les Demidov, c’est leur amour qui est amplifié par la citation. Celle-ci est aisément repérable car isolée par un saut d’interligne dans le texte.

Par contre, dans la citation suivante de deux couplets placée dans la relation de leur mariage, c’est le thème de la femme délaissée avec son fiancé parti à la guerre qui s’affiche. Un thème récurrent de la geste makinienne en général et de ce roman en particulier où le fiancé d’une amie d’Olia succombe pendant son service militaire.

Quelqu’un descend de la colline,

C’est sûrement mon bien-aimé.

Comme il est beau ! Dans ma poitrine

Mon cœur s’affole, mon cœur pâmé.

Il a sa vareuse kaki,

Étoile rouge, galons dorés.

Pourquoi au chemin de ma vie

Ah ! pourquoi l’ai-je rencontré ? (p. 36)

Le premier couplet trahit l’amoureuse et l’incertitude de bien être devant l’homme aimé (l’homme de sa vie). A-t-elle vraiment rencontré l’âme sœur. Certainement son cœur le lui fait savoir en battant la chamade. Dans le second couplet, l’homme se révèle partir pour la guerre comme la couleur kaki de sa vareuse le dénonce avec son étoile rouge, insigne du simple soldat. S’il était sur le chemin du retour, la belle n’aurait nul besoin de s’interroger sur la rencontre et avoir quelque regret d’être tombée amoureuse puisqu’ils auraient la vie devant eux. Mais, maintenant, l’incertitude de son retour plane sur la rencontre d’où la question du dernier vers. Pourquoi l’avoir rencontré si c’est pour le perdre aussitôt. Ce sont les mondes de la guerre et de la paix qui transparaissent dans cette citation. Deux cadres sociologiques bien distincts où se lit le thème de l’attente.

Comme noté précédemment, le thème de l’amour revient comme une rengaine au cours de l’œuvre. Celui de l’ailleurs est exprimé conjointement dans la citation suivante d’un distique à la mode. Avec son soleil et ses sables chauds, l’île de Cuba enflamme l’imaginaire des Russes alors qu’ils sont enneigés dans les étendues sibériennes. Ivan, au volant de sa voiture, fredonne les beautés de l’île cubaine :

Cuba, mon amour,

Ile à l’aurore de pourpre…(p. 54)

Les vers de la chanson symbolisent la vie nouvelle qui semble commencer loin de Borissov, la bourgade qu’il habite avec sa femme. Elle symbolise aussi le lien qui l’unit à tous ces héros lointains : Fidel Castro, Gagarine et les premiers chiens cosmonautes.  En cela, la chanson délimite le vécu et le quotidien de l’idéal. L’aurore dont il est question dans ces deux vers est la levée du communisme métaphorisé par la couleur pourpre.

Dans Confession d’un porte-drapeau déchu, Makine laisse voir l’esthétisation du communisme à l’aide, entre autres, de la citation d’un couplet de chanson de Komsomols. L’été, dans les camps de pionniers, le narrateur et son ami avancent en chantant :

Nous sommes les pionniers, enfants des travailleurs…

L’ère des années lumineuses est toute proche…

“Sois toujours prêt !”, telle est notre devise… (p. 21)

Ces chansons, entonnées par les jeunes enfants en vacances, agit comme un mantra sur leur esprit et les hypnotise pour leur faire croire en cet horizon radieux promis par la propagande. Pour y accéder, il est nécessaire d’être toujours prêt. Prêt à mourir à la tâche semble-t-il aux dits des autres airs. De cette façon, la chanson s’assimile à la vie humaine qui est la leur par la devise incluse.

Autour des feux de camps, ils chantent le destin d’un jeune cavalier rouge à l’article de la mort après avoir combattu les Gardes blanches :

Et il tombe près de son grand cheval moreau,

En fermant ses yeux bruns

Il murmure :

“Ô, mon cheval, mon ami,

Dis à ma fiancée

Que je meurs fidèle aux travailleurs…”. (p. 23)

À l’écoute de ces vers chantés, tous se veulent l’égal du héros et fidèles aux travailleurs. Mais, cette mort héroïque, sanctifiée par l’histoire du cavalier Rouge, dévoile des travailleurs sublimés, loin de ceux qu’ils connaissent au quotidien, se retrouvant le soir, fatigués, en maillot, dans la cour pour une partie de dominos : « Ils fumaient en serrant les gros mégots jaunis dans leurs doigts maculés de cambouis, juraient, s’esclaffaient d’un rire gargouillant »  (p. 24). Rien à voir avec le cavalier rouge mourant sous les étoiles près de son grand cheval moreau. Les travailleurs des chansons forment un peuple à part, supérieur en tout point à la réalité quotidienne, un peuple pour lequel il faut se battre et souffrir. Un peuple qui devait vivre au-delà de l’horizon « chaque jour plus proche » (p. 24). Ces deux chansons délimitent la frontière entre l’idéal auquel le narrateur et les siens aspirent et le quotidien vécu, subi. En cela, elles métaphorisent cette frontière spatio-temporelle ancrée dans le modèle de la vie humaine. En outre, cette chanson énonce deux univers : celui des Rouges et celui des Blancs. Deux univers enchevêtrés l’un dans l’autre, en une guerre sans merci. Guerre civile consécutive à la Révolution d’Octobre dans laquelle s’affrontent deux régimes, l’ancien et le nouveau à naître. La société tsariste et ses serfs, la société révolutionnaire et ses Soviétiques à venir.

Ce ne sont pas uniquement les enfants qui rêvent d’un autre pays, d’une autre vie. Dans l’appartement communautaire, une chanson émise par un tourne-disque berce les occupants « d’une nostalgie des îles lointaines ». La Havane, pays d’azur, en est le titre :

Quand je suis parti à La Havane, ce pays d’azur,

Toi seule as su deviner ma tristesse, ô mon amour… (pp. 49-50)

Cette chanson fait oublier aux occupants de l’appartement la misère de leurs existences entassées l’une sur l’autre.

Dans la rengaine populaire, la propagande s’empare souvent de la musique :

De Moscou jusqu’aux îles Britanniques

L’armée Rouge est la plus héroïque… (p. 57)

Une lecture contrapunctique révèle l’ironie ancrée dans les citations de chansons politiques. Dans Au Temps du fleuve Amour, une chanson falsifiée sur Cuba dont les camarades de classe de Samouraï se servent pour se moquer de lui tombé amoureux de l’île du golfe du Mexique :

Cuba, rends-nous notre blé !

Et notre vodka en outre…

Cuba, reprend ton sucre mouillé !

Castro, on n’en a rien à foutre ! (p. 109)

Ces vers reflètent la réalité du quotidien existentiel où l’individu préfèrerait des produits de bonne qualité aux produits frelatés, symbolisés par le sucre mouillé, qui lui échoient. Ce sucre mouillé symbolise aussi d’une manière plus générale le désastre économique du système communiste à Cuba et en urss. La propagande fictionnalisée génère des chansons. Makine se sert de cette citation pour ironiser, voire ridiculiser et critiquer le système soviétique. En outre, cette musique suit et accompagne les protagonistes dans leur quotidien. Elle est ancrée dans la temporalité de leur vie humaine.

Conclusion

De cette brève étude ressort l’importance de la musique dans l’œuvre makinienne. Les chansons sont normalement formées d’un texte et d’une mélodie inséparables, mais Makine les détache l’un de l’autre et insère les textes de chansons dans ses romans sous forme de citation. Très souvent, Makine emploie les ekphraseis musicales de façon satirique. Par exemple, la chanson d’amour dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique souligne l’horreur de la situation des époux Demidov qui meurent de faim et perdent leur fils nourrisson par leur incapacité à le nourrir, alors que la radio joue des rengaines populaires qui exaltent les succès flatteurs du pays alors que celui-ci est plongé dans le désastre économique le plus complet.

Les citations musicales de ce roman introduisent plusieurs thèmes du roman dont la mort et l’amour et elles se présentent sous la forme musicale du thème varié car ces thèmes subissent quelques variations dans leur répétitions, mais restent toujours reconnaissables sous leur différence. En cela, cette structure musicale, le thème varié, se retrouve dans La Fille du héros de l’Union soviétique, soutenu dans les ekphaseis musicales sous forme de citations.

Makine emploie des citations afin de caractériser ses personnages – souvent aussi dans le dessein d’ironiser sur le régime politique – tout en évitant de longs développements qui alourdiraient la narration. Ces ekphraseis musicales de citations ne pourraient aucunement être omises sans nuire à la compréhension de l’œuvre. En ce sens, elles ne sont pas « détachables » au sens de la rhétorique ancienne. C’est la force de Makine d’avoir su les inclure de telle manière qu’elles sont passées inaperçues de la critique jusqu’à présent.

 Notes


[1] Se reporter à la bibliographie pour les références complètes des romans.

[2] Cf. par exemple : Marianne Gourg, « La problématique Russie/Occident dans l’œuvre d’Andreï Makine », Paris, Revue des Etudes Slaves, LXX/1, 1998, pp. 229-239 ; Margaret Parry, Marie-Louise Scheidhaeur, Edward Welche ed., « AndreïMakine : La Rencontre de l’Est et de l’Ouest dans son œuvre », Paris, L’Harmattan, 2004 ; Nina Nazarova, Andreï Makine, deux facettes de son œuvre, Paris, L’Harmattan, 2004 ; Ray Taras, « A la Recherche du Pays perdu. Andreï Makine’s Russia », Columbia, East European Quarterly, XXXIV, n° 1, March 2000, pp. 51-79 ; Annie Jouan-Westlund, « Récit d’enfance et enfance du récit. Le Testament français d’Andreï Makine », Chapell Hill, Romance notes, vol. 42, n° 1, 2001, pp. 87-96 ; Katherine Knorr, « Andreï Makine’s poetics of Nostalgia », New York, The New criterion, vol. 14, n° 7, Mars 2003, pp. 32-37.

[3] Françoise Escal, Contrepoints, Musique et littérature, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 46.

[4] Isabelle Piette, Littérature et musique, Contribution à une orientation théorique : 1970-1985, Namur, Presses universitaires, 1987.

[5] Antoine Compagnon, La Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Paris, Seuil, 1979.

[6] Les citations de ces chants sont en italique dans le texte, p. 44. Dans cette phrase peut se lire un lien intertextuel avec Ivan Bounine : « Les hommes mentent lorsqu’ils assurent qu’ils ont horreur du sang », cf. la nouvelle Un crime dans le recueil La Nuit (1929), Paris Éditions des Syrtes, 2000, traduction Boris de Schlœzer, p. 138.

[7] Chansonnette que j’identifie par les citations, mais dont le titre n’est pas mentionné par l’auteur.

[8] Le village où Charlotte habite.

[9] Eero Tarasti, A Theory of Musical Semiotics, Bloomington, Indian University Press, 1994.

[10] « Music is a phenomenon that takes place in time. In the same way as the fundamental axiological model of human life is anchored on temporality, every musical work is, temporally, like the model of human life ». Traduction : Murielle Lucie Clément.

[11] Cf. Pierre Nora, ed., Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997.

[12] À l’origine, le miroir acoustique est une sorte de radar au système fondé sur la captation des ondes sonores par un résonateur d’ondes acoustiques monté sur un miroir acoustique. L’utilisation des miroirs acoustiques fut mise en pratique par la défense britanique pour signalé l’approche des avions allemands.

[13] Kaja Silverman, The Acoustic Mirror. The Female Voice in Psychoanalysis and Cinema, Bloomington, Indiana University Press, 1988.

[14] Jacques Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966.

[15] Guy Rosolato, « La Voix : entre corps et langage » dans Revue française de psychanalyse, tome xxxvii, jan/févr. 1974, pp. 75-94.

[16] Confession d’un porte-drapeau déchu, op. cit., p. 47.

[17] Isabelle Piette, Littérature et musique, Contribution à une orientation théorique : 1970-1985, op. cit., pp. 55-56.

[18] Monique Grandjean, « Rencontre Est-Ouest dans La Musique d’une vie » dans Margaret Parry, Marie Louise Scheidhauer, Edward Welch eds., Andreï Makine : La Rencontre de l’Est et de l’Ouest, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 115-122 ; Toby Garfitt, « La musique d’une vie : le cas de la petite pomme » dans Margaret Parry, Marie Louise Scheidhauer, Edward Welch eds., Andreï Makine : Perspectives russes, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 17-26 ; Galina Osmak, « La musique d’une vie : le destin d’un homo sovieticus » dans Margaret Parry, Marie Louise Scheidhauer, Edward Welch eds., Andreï Makine : Perspectives russes, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 109-116 ; Nina Nazarova, Deux facettes de l’œuvre littéraire d’Andreï Makine, thèse de doctorat non publiée, Université de Dublin, 2003, pp. 156-160 ; Geneviève Lubrez, « Requiem pour l’Est, chant funèbre ou chant d’espoir » dans Margaret Parry, Marie Louise Scheidhauer, Edward Welch eds., Andreï Makine : La Rencontre de l’Est et de l’Ouest, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 73-77.

[19] Jean-Louis Cupers, « Approches musicales de Dickens. Études comparatives et comparatisme musico-littéraire » dans Raphael Celis ed., Littérature et musique, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1982, p. 29.

[20] Isabelle Piette, Littérature et musique, Contribution à une orientation théorique : 1970-1985, op. cit., p. 56.

[21] Je me limite à cette forme et je pars de la pensée que le thème varié se retrouve exprimé dans des ekphraseis.

[22] Philomèle est violée par le mari de sa sœur qui lui tranche la langue la rendant muette et incapable de narrée son infortune. Elle tisse alors son calvaire dans une tapisserie. Le mythe de Philomèle transparaît de manière récurrente chez Makine. Cf. Requiem pour l’Est. Anna, à demi enterrée vive par les assaillants a la langue coupée par ces derniers pour l’empêcher de les dénoncer.

[23] Cf. Véronique Gély, Jean-Louis Haquette et Anne Tomiche, Philomèle : Figures du rossignol dans la tradition littéraire et artistique, Clermont-Ferrand, pu Blaise Pascal, 2006.

[24] « Aboutissement d’une logique mise en œuvre avec la collectivisation, forme extrême de violence et de régression, la famine de 1932-1938 est aussi un événement pivot qui ouvre la voie vers l’autre paroxysme criminel du stalinisme, la “Grande Terreur” jalon majeur sur la voie de la fictionnalisation du discours politique, qui triomphe en 1934 au xviie congrès du Parti (le “Congrès des vainqueurs”, selon le mot de S. Kirov) », cf. Henry Rousso, ed., Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées, Bruxelles, Éditions Complexe, 1999, p. 111.

[25] « La modernité a souvent cherché à se démarquer du lyrisme romantique en rejetant le rossignol comme figure du sujet lyrique (« We do not like the nightingale », disait Gertrude Stein) et en lui substituant coucous, colibris ou perroquets dont le sens et le statut ne peuvent se mesurer qu’à l’aune de la relation qu’ils entretiennent avec les rossignols ». Cf. Véronique Gély, Jean-Louis Haquette et Anne Tomiche, Philomèle : Figures du rossignol dans la tradition littéraire et artistique, op. cit.

[26] Isabelle Piette, Littérature et musique, Contribution à une orientation théorique : 1970-1985, op. cit., p. 58.

[27] Ibidem, p. 59.

[28] Antoine Compagnon, La Seconde main ou le travail de la citation, op. cit., p. 38.