Intertextualité

« Michel Houellebecq. Ascendances littéraires et intertextualité », dans Michel Houellebecq sous la loupe, Murielle Lucie Clément e.a. eds., Amsterdam / Atlanta, Rodopi, 2007, pp. 93-107

 

Dans cet article, l’auteur suit à la trace les empreintes d’écrivains dans Extension du domaine de lutte, Les Particules élémentaires, Lanzarote, Plateforme et La Possibilité d’une île. Ainsi peut-on lire qu’Isidore Ducasse, comte de  Lautréamont, Bret Easton Ellis, Charles Baudelaire, Clifford D. Simak, Howard Philip  Lovecraft, pour ne nommer que ceux-là, ont plus ou moins inspiré Michel Houellebecq. L’auteur confronte aussi le pamphlet de Michel Waldberg (La Parole putanisée, 2002) et l’essai de Dominique Noguez (Houellebecq, en fait, 2003) aux notions d’intertextualité qu’ils esquissent en regard des fictions houellebecquiennes.

Intertextualité

Il en est souvent ainsi d’un livre, que nous aimons conjecturer sur son contenu mais, aussi sur les textes qu’il nous rappelle : les intertextes, les hypertextes, les  hypotextes : l’intertextualité. Le concept d’intertextualité a été introduit par Julia Kristeva dans sa présentation de Mikhaïl Bakhtine. Ce dernier dans Esthétique et théorie du roman (1975) [1] parle de dialogisme, de plurilinguisme  ou de liens entre les textes.

Dans tout texte, et partant de là, tout roman ou récit, subsiste toujours les traces de textes antérieurs. Dominique Noguez remarque avec justesse qu’ « il s’agit toujours des rapports d’un texte donné avec un autre, antérieur (l’hypotexte »)[2] ». Et de citer plusieurs exemples de Houellebecq qui trahiraient des traits balzaciens, baudelairiens, camusiens, flaubertiens ou nervaliens. Et, il stipule : « Pertinents ou pas, ces rapprochements sont de la responsabilité du lecteur et ont quelque chose de facultatif, voire d’arbitraire[3] ». Toutefois, Houellebecq incite à lire les auteurs, les poètes et leur biographie : « L’étude de la biographie de vos poètes préférés pourra vous êtes utiles[4] » d’où, subséquemment,  l’apparition inévitable de leurs traces dans l’écriture de leurs lecteurs. Traces qu’il serait vain de considérer uniquement en tant que « rapprochements arbitraires ».

Par ailleurs, les références littéraires, les citations d’auteurs et d’ouvrages dans la prose houellebecquienne sont plus fréquentes qu’il n’y paraît au premier abord. Il s’agit parfois de la simple mention d’un nom d’auteur, d’autres fois, ce sont des commentaires émis par un personnage à la suite d’une citation explicite ou implicite. Elles concernent tout autant des ouvrages scientifiques que littéraires, des brochures ou des catalogues. Rien d’étonnant à cela. Dominique Noguez ne remarque-t-il pas justement la versatilité de Houellebecq : « Au demeurant, homme de paralittérature autant que de littérature. Il a une bonne culture littéraire, il a lu Balzac, Flaubert, Dostoïevski, Thomas Mann, mais on ne peut rendre compte de son arrière-plan culturel que si l’on évoque des genres apparemment mineurs qui l’ont marqué dès l’adolescence et qu’il assume tout à fait : la chanson, le rock, les magazines pour collégiennes, la science-fiction. Surtout la science-fiction[5] ».

La rencontre est donc toujours celle du lecteur et des textes, rarement celle des textes ou des auteurs entre eux, fussent-ils contemporains. Ainsi, sans reprendre le débat suscité par les différences entre l’empreinte et la trace et leurs positions relationnelles au texte, nous nous proposons d’observer quelques cas d’intertextualité et d’ascendance littéraire dans l’œuvre houellebecquienne en prose.

Clifford D. Simak

Le narrateur d’Extension du domaine de la lutte (1994)[6] écrit des « fantaisies animalières ». Telles « Dialogues d’une vache et d’une pouliche » qu’il considère comme une « méditation éthique[7] », « Dialogues d’un chimpanzé et d’une cigogne » constituant « un pamphlet politique d’une rare violence[8] » et « Dialogues d’un teckel et d’un caniche » plus ou moins « un portrait d’adolescents[9] ». Comme le remarque Robert Dion[10], la particularité évidente de ces dialogues est principalement de ne pas en être. Cependant, il est possible de voir dans le troisième texte du narrateur l’inspiration de Clifford D. Simak[11]. En effet, « Le recensement » le troisième conte de Demain les chiens (1952)[12], contient un manuscrit « Esquisse inachevée et notes sur la philosophie de Juwain » où Nathanael, un chien peut soutenir une conversation avec les humains. Ceci se passe dans un avenir éloigné de notre époque de plusieurs millénaires. Toutefois, l’influence de Simak est encore plus sensible dans la structure même du roman Les Particules élémentaires (1998)[13] où la projection dans le futur permet un regard distancié sur l’humanité. Houellebecq lui-même, à plusieurs reprises et notamment dans l’entretien « Gracias por sur visita[14] » avoue avoir été influencé par Simak dans l’élaboration de son roman et pour les mêmes raisons. L’auteur, intéressé par les merveilles technologiques, se préoccupe des drames humains engendrés par le progrès. Un peu Lovecraft, Verne et G.G. Wells à la fois.

Cette construction qui place le narrateur au-delà de l’humanité se retrouve dans La Possibilité d’une île (2005)[15] où Daniel24 et Daniel25, clones de Daniel1 et néohumains, lisent et commentent les écrits de ce dernier une vingtaine de siècles plus tard après qu’il les ait couchés sur le papier. Néohumains qui à leur tour écrivent, non seulement leur récit de vie respectif, mais aussi leurs commentaires sur ceux de leurs prédécesseurs, ce qui par un jeu de miroirs et de mises en abyme crée une (auto)intertextualité évidente.

Bret Easton Ellis

Plusieurs critiques ont déjà évoqué la ressemblance entre Michel Houellebecq et Bret Easton Ellis pour des raisons différentes, mais toujours en rapport avec la violence[16]. Or, Houellebecq a repris à son propre compte quelques traits moins agressifs mais tout aussi typiques de l’écrivain américain.

La brochure des Galeries Lafayette, parmi les catalogues que le narrateur d’Extension du domaine de la lutte étudie calmement, décrit une nouvelle sorte d’humains :

Dans une brochure éditée par les Galeries Lafayette j’ai trouvé une intéressante description d’êtres humains, sous le titre « les actuels » :

Après une journée bien remplie, ils s’installent dans un profond canapé aux lignes sobres (Steiner, Roset, Cinna). Sur un air de jazz, ils apprécient le graphisme de leurs tapis Dhurries, la gaieté de leurs murs tapissés (Patrick Frey). Prêtes à partir pour un set endiablé, des serviettes de toilette les attendent dans la salle de bains (Yves Saint-Laurent, Ted Lapidus). Et c’est devant un dîner entre copains et dans leurs cuisines mises en scène par Daniel Hechter ou Primrose Bordier qu’ils referont le monde.”[17]

Cette description des « actuels », incluant leurs marques préférées, pourrait aisément être un résumé des yuppies mis en scène dans un American psycho (1991)[18] à la française. Michel Houellebecq avoue ressentir une vive admiration pour le travail de Bret Easton Ellis. Il est indéniable que le passage suivant évoque la trame de Glamorama (1998)[19] : « Un peu plus tard, il apparaissait cependant que les tueurs étaient eux-mêmes filmés par une seconde équipe, et que le véritable but de l’affaire était la commercialisation non pas de films pornos, mais d’image d’ultraviolence. Récit dans le récit, film dans le film, etc. Un projet béton[20] ». Peut-être moins évident, mais très suggestif tout de même est le mal être de Bruno lycée des Particules élémentaires inspiré de celui du narrateur dans Moins que zéro[21]. La drogue de Bruno, tout aussi puissante et destructrice que la cocaïne de Clay, est la masturbation.

Aldous Huxley

Nous avions déjà remarqué l’intertextualité avec Huxley[22], toutefois à une nouvelle lecture nous découvrons une nouvelle profondeur à cette relation. Lorsque Bruno rend visite à Michel il compare son univers diégétique avec la réalité fictionnelle d’Aldous Huxley dans Brave New World (1932)[23]. Le titre du chapitre, « Julian et Aldous », suggère déjà l’intertextualité avec le roman de Huxley. Dans Le meilleur des mondes, l’utopie réalisée, où l’homme ne connaît plus les turpitudes des désirs inassouvis, est une société divisée en castes avec çà et là des « réserves de sauvages. » Par contre, Les Particules élémentaires ne décrivent que très brièvement l’utopie réalisée dans le récit encadrant relaté par un narrateur homodiégétique, le clone de la nouvelle espèce intelligente, immortelle et asexuée. La Possibilité d’une île présente aussi ces réserves dont les habitants, race quasi-révolue, sont très éloignés des néohumains. A cause de cette reprise de thème, la presse  a vu dans ce dernier roman une continuation des Particules élémentaires. Néanmoins, entre ces deux romans les divergences sont plus sensibles que les ressemblances. Ne serait-ce que les clones dont la vie sexuelle se trouve au point mort à l’encontre des corpuscules de Krause et leur propagation épidermiques promise par Michel Djerzinski.

William Shakespeare

La scène où Bruno hésite à toucher la vulve de sa mère est certainement une de celles où se révèle la stratification de l’intertextualité dans le roman : « Je suis entré dans leur chambre, ils dormaient tous les deux. J’ai hésité quelques secondes, puis j’ai tiré le drap. Ma mère a bougé, j’ai cru un instant que ses yeux allaient s’ouvrir ; ses cuisses se sont légèrement écartées. Je me suis agenouillé devant sa vulve. J’ai approché ma main à quelques centimètres, mais je n’ai pas osé la toucher. Je suis ressorti pour me branler[24] ». Bruno n’a pas osé toucher le corps de sa mère endormie. Sa vulve est-elle le réceptacle sacré qu’un attouchement aussi léger soit-il constituerait un sacrilège ? S’agit-il d’une référence à Shakespeare : « If I profane with my unworthiest hand / This holy shrine[25] » ou d’une citation de Huxley ? Le sauvage du Meilleur des mondes regarde Lenina en proie au soma dormir dans sa chambre : « Très lentement, du geste hésitant de quelqu’un qui se penche en avant pour caresser un oiseau timide et peut-être un peu dangereux, il avança la main. Elle reste là, tremblante, à deux centimètres de ces doigts mollement pendants, tout près de les toucher. “ L’osait-il ? Osait-il profaner, de sa main la plus indigne qui fût, cette… ” Non, il n’osait point. L’oiseau était trop dangereux. Sa main retomba en arrière…[26] ». Cependant, la chute « Je suis ressorti me branler » est typiquement houellebecquienne.

Marcel Proust et Charles Baudelaire[27]

L’analyse littéraire est pour Bruno une occupation professionnelle. Non seulement il travaille Proust avec ses élèves : « La pureté d’un sang où depuis plusieurs générations ne se rencontrait que ce qu’il y a de plus grand dans l’histoire de France avait ôté à sa manière d’être tout ce que les gens du peuple appellent « des manières », et lui avait donné la plus parfaite simplicité.[28] », il leur déclame aussi Baudelaire à haute voix :

Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille.

Tu réclamais le soir ; il descend, le voici :

Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

 

Pendant que des mortels la multitude vile,

Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,

Va cueillir des remords dans la fête servile,

Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici…[29]

Cette citation de Baudelaire n’a rien d’étonnant. N’écrit-il pas : « Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ![30] ». En définitive, n’est-ce pas du nouveau que Houellebecq offre au lecteur ? Comment expliquer autrement l’engouement de ce dernier. Supposition nettement tempérée par la tirade de Daniel1 citée plus loin.

Baudelaire vient aussi à l’esprit de Michel dans Plateforme (2001)[31] : « Et des esclaves nus tout imprégnés d’odeur…[32] » lors d’une séance de brainstorming où il est question de prospectus pour les clubs Aphrodite. En outre, La Possibilité d’une île présente Baudelaire en premier lieu commenté par Daniel1 en référence à ses collègues :

En quelques minutes je passai en revue l’ensemble de ma carrière, cinématographique surtout. Racisme, pédophilie, cannibalisme, parricide, actes de torture et de barbarie : en moins d’une décennie, j’avais écrémé la quasi-totalité des créneaux porteurs. Il était quand même curieux, me dis-je une fois de plus, que l’alliance de la méchanceté et du rire ait été considérée comme si novatrice par les milieux du cinéma ; ils ne devaient pas souvent lire Baudelaire dans la profession.[33]

De ce qui précède, il est clair que Daniel1 lit Baudelaire, ce qu’il confirme après avoir écrit un poème : « Le fait était déjà en soi curieux : non seulement je n’avais jamais écrit de poésie auparavant, mais je n’en avais même pratiquement jamais lu, à l’exception de Baudelaire[34] ». Le poète est finalement cité après la visite de Daniel1 à Vincent :

Les vers sublimes me revinrent immédiatement en mémoire, comme s’ils avaient toujours été présents dans un recoin de mon esprit, comme si ma vie entière n’avait été que leur commentaire plus ou moins explicite :

C’est la mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;

C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir

Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,

Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ;

 

À travers la tempête, et la neige, et le givre,

C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;

C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,

Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir…[35]

Baudelaire, à l’instar des poètes dont il est un des représentants le plus connu, esthétise la mort. L’apprivoise-t-il afin de la conjurer ? Et que signifie cette citation de Houellebecq ? Toujours est-il qu’une filiation certaine s’établit de l’un à l’autre déjà indiquée par l’auteur au cours d’entretien sur sa lignée littéraire : « j’ai souvent cité Baudelaire, Dostoïevski et Thomas Mann, qui ont été des lectures très marquantes[36] ». En effet, l’auteur semble entreprendre une critique de la société, parfois dans la lignée baudelairienne. Mais, alors que Baudelaire transcende l’horreur par la musique (La Charogne) ou la transperce d’un rayon lumineux, Houellebecq la fige dans un malaise de noir absolu auquel seul échappe le poème Sur la route de Clifden qui offre une issue de secours et un horizon lumineux.

Par ailleurs, dans son pamphlet, La Parole putanisée (2002)[37] », Michel Waldberg s’en prend violemment à Michel Houellebecq sans lui dénier, toutefois, la richesse de styles entrelacés dans ses romans : « On retrouve chez Houellebecq, mais dilué, réduit à la teneur d’un brouet clair, le mélange, détonant, de plusieurs styles avec le grand art oratoire du XVIIè siècle. Mais l’on y chercherait en vain le mélange, détonnant, de surnaturalisme et d’ironie en quoi Baudelaire quintessenciait le romantisme[38] ». Ce en quoi, Waldberg est dans l’erreur. Ce mélange auquel il réfère est la quintessence même de plusieurs pages houellebecquiennes. Dans Houellebecq, Sperme et sang (2003)[39], nous évoquons justement Houellebecq et  Baudelaire en un souffle au sujet de la description du paysage contemplé par le narrateur d’Extension du domaine de la lutte se rendant à Rouen[40].

Quant à Proust, il sert d’exemple aux humains, selon Daniel24, pour la rédaction de leur récit de vie : « L’exemple le plus souvent cité par les instructeurs était celui de Marcel Proust, qui, sentant la mort venir, avait eu pour premier réflexe de se précipiter sur le manuscrit de la Recherche du temps perdu afin d’y noter ses impressions au fur et à mesure de la progression de son trépas. Bien peu, en pratique, eurent ce courage[41] ». De ce qui précède, de toute évidence, Baudelaire et Proust se profilent d’une manière récurrente au fil des romans.

Michel Houellebecq

Néanmoins, peut-être le plus significatif de l’unicité de la vision houellebecquienne apparaît-il lorsque La Possibilité d’une île esquisse d’autres romans de l’auteur. Citons quelques exemples : « Un bandeau blanc recouvrait partiellement ses seins, elle portait une minijupe moulante, et c’était à peu près tout[42] ». Probablement le costume favori de l’auteur pour la gente féminine : « Ses seins étaient recouverts d’un bandeau de coton minuscule, qu’elle relevait progressivement. […] Elle se mit à quatre pattes sur le sol, releva sa minijupe ; elle ne portait rien en dessous[43] ». Dans l’épilogue, Daniel25 arrive à une conclusion sur les qualités de l’être humain : « quel qu’il ait pu être par ailleurs, l’homme avait décidément été un mammifère ingénieux[44] ». Assez similaire en son essence à la réflexion du narrateur de Lanzarote (2000)[45] à la vue de la pancarte « ESPACE NATUREL PROTÉGÉ » et du péage requis pour y pénétrer : « Pas con, leur truc …soufflai-je à Rudi. Tu prends n’importe quel coin un peu paumé, tu laisses se dégrader la route et tu mets un panneau « ESPACE NATUREL PROTÉGÉ ». Forcément les gens viennent. Il n’y a plus qu’à installer un péage, et le tour est joué[46] ». Ce qui prouve la constance de la vision houellebecquienne. Somme toute, c’est probablement la filiation avec Lautréamont qui reste la plus probante dans Extension du domaine de la lutte. Filiation déjà notée par Michel Waldberg[47] et Dominique Noguez[48].

Isidore Ducasse[49]

Au sujet de Lautréamont, Noguez écrit :

Le poète [ Ducasse ] est explicitement évoqué dans Lovecraft, pour son utilisation du vocabulaire scientifique (LOV 71). Et à qui, de fait sinon à l’auteur des Chants de Maldoror, est-il clairement rendu hommage dans l’étrange description du ciel aux abords de Bab-el-Mandel (description dont le lien avec le récit en cours reste assez énigmatique) : “… l’horizon ne se départit jamais de cet éclat surchauffé et blanc que l’on peut également observer dans les usines sidérurgiques, à la troisième phase du traitement du minerai de fer (je veux parler de ce moment où s’épanouit, comme suspendue dans l’atmosphère et bizarrement consubstantielle de sa nature intrinsèque, la coulée nouvellement formée d’acier liquide) ”.[50]

Noguez voit donc dans ce passage un pur hommage à Ducasse. Nous souscrivons entièrement à son assertion et nous pensons pouvoir signaler plusieurs autres traces du poète non mentionnée.

Par exemple, l’aventure du canari qui se fait déchiqueter dans le rêve de Michel des Particules élémentaires rejoint étrangement le « Ah ! l’aigle t’arrache un œil avec son bec […][51] ». Toujours dans le même ouvrage, le rêve de Bruno à qui il reste un œil unique appelle ce passage du troisième chant : « Et mon œil se recollait à la grille[52] » ou encore : « Je me suis aperçu que je n’avais qu’un œil[53] ».

Considérons maintenant, les magasins évoqués par les deux auteurs. « Les magasins de la rue Vivienne[54] » où « Une femme s’évanouit[55] » que personne ne relève ne bruissent-ils pas dans « la mort d’un type, aujourd’hui, aux Nouvelles Galeries[56] ». Noguez voit, au contraire, dans ce passage un trait camusien avec : «  “Assisté à la mort d’un type, aujourd’hui…” (EXT 76) qui peut faire penser au célèbre incipit (“Aujourd’hui maman est morte”), sauf que la précision qui suit, “aux Nouvelles Galeries”, est typiquement houellebecquienne”[57] ».

Ou encore, Michel de Plateforme (2001)[58] lorsqu’il nous conte : « Le soir même, j’examinai avec attention le clitoris de Valérie[59] » s’inspire-t-il du chant deuxième : « Il est temps de serrer les freins à mon inspiration, et de m’arrêter, un instant, en route, comme quand on regarde le vagin d’une femme […][60] ». Il est vrai que le vagin et le clitoris sont deux organes que l’on ne saurait confondre. Toutefois, fort est de convenir de leur rapprochement géographique incontestable. Dans le même chant, la phrase : « J’avais dit que je voulais défendre l’homme […][61] » résonne étrangement en écho à la fin des Particules élémentaires : « Au moment où ses derniers représentants vont s’éteindre, nous estimons légitime de rendre à l’humanité ce dernier hommage ; hommage qui, lui aussi, finira par s’effacer et se perdre dans les sables du temps ; il est cependant nécessaire que cet hommage, au moins une fois, ait été accompli. Ce livre est dédié à l’homme[62] ». D’où il ressort, en outre, que l’hommage importe à Houellebecq.

Toujours d’une manière toute subjective et pourtant très convaincue, nous citons deux fragments supplémentaires de Lautréamont et leur parallèle chez Houellebecq. Tout d’abord chez Ducasse, sans nous arrêter aux différentes versions connues : « Je me propose sans être ému, de déclamer à grande voix la strophe sérieuse et froide que vous allez entendre[63] » et tout au début du premier chant : « Il y en a qui écrivent pour chercher les applaudissements […][64] ». Deux fragments auxquels nous comparons maintenant Extension du domaine de la lutte : « Mon propos n’est pas de vous enchanter par de subtiles notations psychologiques. Je n’ambitionne pas de vous arracher des applaudissements par ma finesse et mon humour[65] » et sur la même page : « Pour atteindre le but, autrement philosophique, que je me propose […][66] ». Il serait vain de penser que chaque fois qu’un auteur écrit « je me propose » il cite Ducasse. Néanmoins, écrit sur la même page que le fragment sur les applaudissements, il y a matière à interrogation. Cela d’autant plus que les deux fragments relevés chez Ducasse font partie du même chant à quelques pages d’intervalle.

De même nous pourrions revenir sur la description du paysage vu du train mentionné plus haut. Cette même description peu aussi rappelé non seulement Agrippa D’Aubigné dont Les Tragiques (1616)[67] chantent la Seine rouge de sang de Paris jusqu’à Rouen, comme nous l’avons déjà soutenu[68], mais aussi Lautréamont : « La Seine entraîne un corps humain[69] ». Corps qui teinte de sang les eaux du fleuve chez D’Aubigné, eaux que le narrateur de Houellebecq pense être sang.

De plus, nous voyons une analogie entre Lautréamont et Houellebecq en leur manière de se méconnaître  : « Ce n’est pas la première fois que le cauchemar de la perte momentanée de la mémoire établit sa demeure dans mon imagination, quand, par les inflexibles lois de l’optique, il m’arrive d’être placé devant la méconnaissance de ma propre image ![70] ». Ce passage n’est-il pas, en grande partie, reflété dans l’univers houellebecquien avec ses personnages empreints de la méconnaissance de soi malgré la grande lucidité de leur vision. Que l’on se souvienne de Michel de Plateforme qui voit son père dans son visage face au miroir mais reste incapable d’auto réflexion ou du narrateur d’Extension du domaine de la lutte qui échoue dans son entreprise dernière, incapable de se réconcilier avec la vie, par manque de connaissance de soi ou Daniel25 qui se cherche désespérément.

Lovecraft ou Lautréamont ?

Nous pensons également aux « deux piliers » des Chants de Maldoror, « qu’il n’était pas difficile et encore moins possible de prendre pour des baobabs, [et qui] s’apercevaient dans la vallée, plus grands que deux épingles[71] ». Ces deux piliers des Chants s’aperçoivent aussi comme « Deux tours énormes[72] » dans la vallée. Nous pouvons en imaginer les traces dans les tours de la cathédrale de Chartres d’Extension du domaine de la lutte, survolées en rêve par le narrateur : « Je plane au-dessus de la cathédrale de Chartres. […] Je m’approche des tours […] Ces tours sont immenses, noires, maléfiques […][73] ». Le narrateur nous confie que son nez « est un trou béant par lequel suppure la matière organique[74] » ce qui renforce l’allusion au texte ducassien. Toutefois, cet univers onirique ressemble à celui que Houellebecq découvre chez Lovecraft :

car l’architecture de rêve qu’il nous décrit est, comme celle des grandes cathédrale gothiques ou baroques, une architecture totale. […] Comme celle des grandes cathédrales, comme celle de temples hindous, l’architecture de H.P. Lovecraft est beaucoup plus qu’un jeu mathématique de volumes. Elle est entièrement imprégnée par l’idée d’une dramaturgie mythique qui donne son sens à l’édifice.[75

Sans contestation possible, le drame, dans son sens le plus strict, fait irruption dans le cauchemar du narrateur d’Extension du domaine de la lutte, et cela avec toute l’horreur digne d’une prose, ducassienne et lovecraftienne.

Mais lorsque Houellebecq écrit l’une de ses dissertations biologiques, de quel prédécesseur s’inspire-t-il ? Dans son essai, il expose :

A part Lautréamont recopiant des pages d’une encyclopédie du comportement animal, on voit mal quel prédécesseur on pourrait trouver à Lovecraft. Et celui-ci n’avait certainement jamais entendu parler des Chants de Maldoror. Il semble bien en être arrivé de lui-même à cette découverte : l’utilisation du vocabulaire scientifique peut constituer un extraordinaire stimulant pour l’imagination poétique. Le contenu à la fois précis, fouillé dans les détails et riche en arrière-plans théoriques qui est celui des encyclopédies peut produire un effet délirant et extatique.[76]

Un effet que notre auteur utilise largement. Cependant, la question reste ouverte : est-ce H.P. Lovecraft ou I. Ducasse qui transparaît lorsque Michel Houellebecq reproduit le langage scientifique ? Nous optons pour Ducasse. Houellebecq, dans ce passage, détourne l’attention de la filiation ducassienne de ses écrits, pour la projeter sur ses ascendants lovecraftiens. Ascendants indéniables mais nullement exclusifs. Nous avons amplement commenté ailleurs la relation de Houellebecq et Lovecraft[77].

La tentation est grande de voir dans Extension du domaine de la lutte un style empreint de traces ducassiennes dans ce que Bachelard nomme une « phénoménologie de l’agression[78] ». Tout comme Lautréamont, Houellebecq «  donne la souffrance[79] » mais son narrateur la subit également jusque dans son univers onirique : « A chaque fois, devant ces outils tachés de sang, je ressens au détail près les souffrances de la victime[80] ». Quant à son agression, elle est auto-agression dans un désir d’automutilation : « Il y a des ciseaux sur la table près de mon lit. L’idée s’impose : trancher mon sexe[81] ». La violence, que nous voyons à l’œuvre dans cette auto mutilation souhaitée, une agression contre soi est, selon Bachelard un moment ducassien. Car, nous dit-il, la violence possède « toujours un commencement gratuit, un commencement pur, un instant ducassien[82] ».

Cette tentation de voir un style empreint de traces ducassiennes repose sur le point de départ adopté : Les Chants ou les Poésies. En effet, selon Pierssens, Les Chants sont : « une grande parade diabolique qui mettait tout en œuvre pour susciter chez le lecteur romantique à la fois horreur et jouissance[83] à l’aide de multiples scènes de transgression. Une des critiques récurrentes faite à Houellebecq est justement la transgression réitérée des codes, littéraires et sociaux. En ce sens, cette accusation le rapproche de Ducasse si l’on prend les Chants comme point de référence.

Un autre aspect de la dialectique maldorienne qui se reconnaît dans l’œuvre houellebecquienne est le processus de spéculation dont parle Pierssens lorsqu’il précise : « Maldoror se présentait déjà au lecteur comme le reflet non censuré des réalités cachées de la nature humaine[84] ». Nous avons décrit cette facette dans Houellebecq, Sperme et sang, et stipulé que les héros houellebecquiens « nous tendent un miroir où sonder notre image[85] ». Ce processus de spéculation nous renvoie  leurs particularités les moins acceptables qui de fait sont les nôtres. « Toute la dialectique de Maldoror repose donc sur l’ostention insistante d’un miroir qui doit annuler la déformation des images que l’homme reçoit communément de lui-même[86] ». Cette thèse de Pierssens peut aussi bien s’appliquer à la dialectique houellebecquienne. Quant au miroir, il est formé par le langage. « Le langage-miroir », comme le nomme Jacques Durand, « réfléchit une image insolite, inattendue, disloquée et dérivante[87] ». Image qui permet un spectre de lectures différentes et même contradictoires.

Contradictions déjà exemplifiées par Ducasse :

Pour construire mécaniquement la cervelle d’un conte somnifère, il ne suffit pas de disséquer des bêtises et abrutir puissamment à doses renouvelées l’intelligence du lecteur, de manière à rendre ses facultés paralytiques pour le reste de sa vie ; il faut, en outre, avec du fluide magnétique, le mettre ingénieusement dans l’impossibilité somnanbulique de se mouvoir, en le forçant à obscurcir ses yeux contre son naturel par la fixité des vôtres. Je veux dire, afin de ne pas me faire mieux comprendre, mais seulement pour développer ma pensée qui intéresse et agace en même temps […][88]

Ne serait-ce pas aussi ce que beaucoup reprochent à Houellebecq : intéresser et agacer simultanément ?

En fait

L’hommage est, à l’origine, un terme de féodalité. Un chevalier rend hommage à un autre et en reconnaît ainsi la suzeraineté. Pour un auteur, il s’agit souvent du témoignage de l’existence d’écrits d’un prédécesseur. Un clin d’œil, si l’on veut. Chez Michel Houellebecq transparaissent les traces d’auteurs divers tels Lautréamont, Charles Baudelaire, Clifford D. Simak, Bret Easton Ellis, Aldous Huxley, Marcel Proust, Howard Phillips Lovecraft, William Shakespeare. Parfois sous forme de citations, parfois plus discrètes, il s’agit d’allusions. Ces références relevées dans cette brève étude sont des éléments du plurilinguisme, du dialogisme et de l’hybridité romanesque, communément appelés « intertextualité » et forment, en partie, l’ascendance littéraire des textes houellebecquiens et constituent des hommages aux auteurs lus et admirés.

Notes

[1] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 2003, traduction : Daria Olivier

[2] Dominique Noguez,  Houellebecq, en fait, Paris, Fayard, 2003, p. 102

[3] Ibid., p. 103

[4] Michel Houellebecq, Rester vivant (1991), Paris, Librio, 1999, p. 20

[5] Dominique Noguez,  Op. cit., p. 9, souligné dans le texte

[6] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai Lu, 1999

[7] Ibid., p. 9

[8] Ibid., p. 124

[9] Ibid., p. 84

[10] Robert Dion, « Faire la bête. Fictions animalières dans Extension du domaine de la lutte », CRIN n°43, 2004

[11] Sabine van Wesemael mentionne aussi l’auteur en référence à Houellebecq sans toutefois préciser la nature de ce rapprochement. Voir Michel Houellebecq Le Plaisir du texte, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 67

[12] Clifford D. Simak, Demain les chiens (1952), Paris, J’ai lu, 1975, traduction : Jean Rosenthal

[13] Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998

[14] Sylvain Bourmeau et Céline Hecquet, « Gracias por su visita », Les Inrockuptibles, DVD, 2005

[15] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Fayard, 2005

[16] Sabine van Wesemael, Op.cit, pp. 64-66

[17] Mihel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai lu, 1997, pp. 123-124, souligné dans le texte

[18] Bret Easton Ellis, American psycho (1991), Paris, Seuil, 2005, Traduction : Alain Defossé

[19] Bet Easton Ellis, Glamorama (1998), Paris, 10:18, 2001, traduction : Pierre Guglielmina

[20] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Fayard, 2005, p. 163

[21] Bret Easton Ellis, Moins que zéro (1985), Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1986

[22] Murielle Lucie Clément, Houellebecq Sperme et sang, Paris, L’Harmattan, 2003, pp. 99-104

[23] Aldous Huxley, Le meilleur des mondes (1932), Plon, Paris, 1977, Traduction : Jean Castier

[24] Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, p. 91, nous soulignons

[25] William Shakespeare, Romeo and Juliet, Acte I, Scène 5, cité par Aldous Huxley, Le meilleur des mondes (1932), Plon, Paris, 1977, Traduction : Jean Castier, p. 166

[26] Aldous Huxley, Op. cit., p. 166

[27] Au sujet de Michel Houellebecq et Marcel Proust : Olivier Bardolle, La Littérature à vif (Le cas Houellebecq), Paris, L’Esprit des Péninsules, 2004

[28] Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, p. 239, souligné dans le texte

[29] Ibid., p. 240, souligné dans le texte

[30] Charles Baudelaire, « Le Voyage CXXVI » Les Fleurs du Mal (1861), Paris, Gallimard, 1998, p. 182, souligné dans le texte

[31] Michel Houellebecq, Plateforme, Paris, Flammarion, 2001

[32] Ibid., p. 264

[33] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Fayard, 2005, p. 159, souligné dans le texte

[34] Ibid., p. 185

[35] Ibid., p. 409, souligné dans le texte

[36] Didier Sénécal, « Michel Houellebecq », Lire, n° 298, septembre 2001, p. 36

[37] Michel Waldberg, La Parole putanisée, Paris, La Différence, 2002

[38] Ibid., pp. 38-39

[39] Murielle Lucie Clément, Houellebecq, Sperme et sang, Paris, L’Harmattan, 2003

[40] Ibid., pp. 21-22

[41] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Fayard, 2005, p. 93

[42] Ibid., p. 111

[43] Michel Houellebecq, Plateforme, Paris, Flammarion, 2001, p. 90-91, nous soulignons

[44] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Fayard, 2005, p. 445, souligné dans le texte

[45] Michel Houellebecq, Lanzarote, Paris, Flammarion, 2000

[46] Ibid., p. 53

[47] Michel Waldberg, Op. cit.

[48] Dominique Noguez, Op. cit.

[49] Sur Michel Houellebecq et Lautréamont voir : Murielle Lucie Clément, “Lautréamont, Houellebecq: une rencontre”, Cahiers Lautréamont: livraisons LXXI et LXXII, La Littérature Maldoror, Actes du Septième Colloque International sur Lautréamont, Liège, 4-5 octobre 2004/Bruxelles, 6 ocotbre 2004, Du Lérot, éditeur, pp. 203-213

[50] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, p. 142, cité par Dominique Noguez, Houellebecq, en fait, Paris, Fayard, 2003, pp. 103-104

[51] Lautréamont, Les Chants de Maldoror (1868-…), Paris, Pocket, 1992, p. 127

[52] Ibid.,  p. 134

[53] Ibid., p. 228

[54] Ibid.,  p. 215

[55] Ibid., p. 216

[56] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai Lu, 1999,  p. 66

[57] Dominique Noguez, Op. cit., p. 102

[58] Michel Houellebecq, Plateforme, Paris, Flammarion, 2001

[59] Ibid., p. 313, nous soulignons

[60] Lautréamont, Op. cit., p. 113, nous soulignons

[61] Ibid.,  p. 113

[62] Michel Houellebecq, Les Particules élementaires, Paris, Flammarion, 1998, p. 394, nous soulignons

[63] Lautréamont, Op. cit., p. 34

[64] Ibid., p. 25

[65] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai Lu, 1999,  p.16

[66] Ibid.

[67] Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques (1616) dans Œuvres complètes V, Paris, A. Legouez, 1873-1892

[68] Murielle Lucie Clément, Op. cit., 2003, pp. 21-22

[69] Lautréamont, Op. cit., p. 106

[70] Lautréamont, Op. cit., p.162, nous soulignons

[71] Michel Waldberg, Op. cit., p. 38

[72] Lautréamont, Op. cit., p. 150

[73] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai lu, 1997, pp. 141-142

[74] Ibid.,  p. 142

[75] Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft (1991), Paris, J’ai lu, 1999, p. 71, souligné dans le texte

[76] Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft (1991), Paris, J’ai lu, Paris, 1999, pp. 82-83

[77] Murielle Lucie Clément, Op. cit., 2003, pp. 180-188

[78] Gaston Bachelard, Lautréamont, Paris, José Corti, 1939, p. 3

[79] Ibid., p. 4

[80] Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte (1994), Paris, J’ai Lu, 1999, pp. 142-143

 [81] Ibid., p. 143

[82]  Gaston Bachelard, Op. cit., p. 184

[83] Michel Pierssens, Lautréamont. Ethique à Maldoror, Lille, Presses Universitaires, 1984, p. 16

[84]Ibid., p. 62

[85] Murielle Lucie Clément, Op. cit., 2003, p. 194

[86] Michel Pierssens, Op. cit., p. 62

[87] Jacques Durand, « Un piège à rats perpétuel », Lautréamont, Paris, Chaleil et Ed. Supervie, 1971, p. 172

[88] Lautréamont, Op. cit., p. 241, nous soulignons