Multilinguisme

« Poétique du multilinguisme chez Andreï Makine », dans Écrivains multilingues et écritures métisses. L’hospitalité des langues, sous la direction d’Axel Gasquet et Modesta Suárez, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, pp. 165-180

Le multilinguisme

Les romans d’Andreï Makine questionnent souvent la double appartenance culturelle et linguistique. Ces thèmes sont amplement développés dans Le Testament français (1995) [1] et Au temps du fleuve Amour (1994.) [2] Les héros subissent le choc de deux cultures ô combien différentes : la France et l’Extrême-orient de l’ancienne URSS pour Au temps du fleuve Amour et la France et la Russie sibérienne pour Le Testament français. Dans ces deux romans, la langue française se brode en palimpseste sur la trame de la langue maternelle par des anecdotes et la visualisation répétée d’images photographiques pour Le Testament français et cinématographiques pour Au temps du fleuve Amour. En addition, ce processus se déroule dans le pays natal des protagonistes des deux romans.

L’approche conceptuelle du multilinguisme entreprise dans cette étude, appelle l’introduction de plusieurs termes provisoires de travail. En effet, nous aimerions faire la distinction entre le bilinguisme culturel et le bilinguisme littéraire. Le bilinguisme culturel avec en sous-division le bilinguisme géoculturel et le bilinguisme socioculturel. Le bilinguisme géoculturel étant, dans ce cas, un bilinguisme comprenant deux ou plusieurs aires géographiques. Quant au bilinguisme socioculturel, il concerne, dans notre analyse, les langages de différents cadres sociopsychologiques existentiels. Nous manipulons le concept de langue au sens large. Pour ce qui est du bilinguisme littéraire, nous verrons le bilinguisme de l’auteur ou de la personne de l’écrivain, le bilinguisme scriptural, c’est-à-dire référant à plusieurs langues employées dans l’écriture, le bilinguisme du narrateur, nécessairement compris dans le bilinguisme diégétique et le bilinguisme du lecteur, celui-ci pouvant être un lecteur diégétique. Cette classification, non exhaustive, facilitera nous l’espérons, notre analyse. D’autre part, nous pourrons constater que les différentes catégories présentent moins d’étanchéité qu’un tel tableau ne le laisse supposer à première vue. Examinons maintenant quelques exemples du bilinguisme culturel.

Le bilinguisme géoculturel

Au temps du fleuve Amour montre trois amis, inséparables adolescents, dont la vie est transformée par un film de Belmondo. La projection cinématographique a ceci de particulier que la synchronisation s’en effectue sans effacer la langue première mais s’y superpose. Le film lui-même devient bilingue et procure la traduction simultanée des répliques. De cet état de choses naît, pour les spectateurs, la possibilité de suivre, plus ou moins bien et plutôt mal que bien, les dialogues dans la version originale restée audible sous le russe. Situation que le narrateur et ses camarades mettent au profit de l’apprentissage de la langue : « Le français pénétra en nous par imprégnation, sans grammaire ni explication. Nous copions ses sons d’abord comme des perroquets, par la suite comme des enfants. » [3]

L’Occident implose avec fracas leur vie sibérienne par les exploits du cascadeur dans une ville de rêve et de soleil : Venise. Non seulement les images cinématographiques participent à l’élaboration de leur identité, elles les aident à prendre conscience de leur réalité quotidienne et influencent graduellement leur comportement. Pour les trois adolescents, la métamorphose s’effectue sans souffrances existentielles et leur apporte une ouverture sur un monde inconnu. Après la visualisation répétée des faits et gestes filmés de l’acteur, ils absorbent et reproduisent le parler et l’attitude de celui qui devient plus qu’un héros : un exemple. A tel point que, lors de leur visite inopinée sur la côte du pacifique, Samouraï lance au serveur de restaurant venu les prier de déguerpir : « Un instant de patience, je n’ai pas encore fumé mon dernier cigare ! » [4] Réplique proférée par leur idole et reprise à son compte.

Deux langages se confrontent dans les codes sociaux démontrés dans cette scène. D’un côté, le serveur  qui veut expulser les jeunes gens de son restaurant traduit le regard sociétal qui n’a que faire de leurs histoires rocambolesques. Mais Samouraï exprime un tout autre langage : celui appris lors de la projection des films de Belmondo, un langage occidental encore inconnu dans cette ville de l’Extrême-orient russe. La salle du restaurant ne peut répondre en cette langue, tant gestuelle que verbale, dans laquelle s’exprime Samouraï. Celui-ci peut les atteindre par son expressivité orale, mais c’est une voie de communication à sens unique dans toute l’acceptation du terme. Les autres clients, le serveur, ne peuvent que contempler son comportement oral et corporel. Ils n’ont pas bénéficié de la vision et de l’élocution cinématographique dans lesquelles s’est immergé l’adolescent de manière réitérative. Samouraï a pu, grâce aux répétitions innombrables assimiler et reproduire le langage filmique. Il est devenu bilingue et il en jouit. Dans ce cas, le langage filmique est l’hôte de Samouraï qui l’héberge. Son langage corporel, sa gestuelle en traduit l’assimilation. Ce bilinguisme approprié par imitation admirative ne provoque en lui aucun heurt identitaire. Dans la diégèse, le film est une fenêtre ouverte sur l’Occident à laquelle les héros se penchent en observateurs gloutons. S’installe alors un bilinguisme dialogique entre deux univers géographiques culturels distincts.

Dans la phrase sus-citée, énoncée par Samouraï se confondent deux réalités, deux visions, deux cultures, deux langues superposées : le russe et le français. Il s’agit de « deux perspectives sémantiques et sociologiques » [5] Cette construction phrasique, que Bakhtine nomme une « construction hybride, ne comporte du point de vue de la composition et de la syntaxe aucune frontière formelle. Le partage des voix et des langages se fait dans les limites d’un seul ensemble syntaxique. » [6] Dans le fragment qui nous occupe, c’est l’instantisation esthétisée d’un vécu parodié qui permet la jonction entre les deux univers langagiers, exprimant tous deux un rôle imagier culturel particulier. Celui de Belmondo en agent secret, l’Occident  et celui de Samouraï en Belmondo personnage de film, l’Orient de la Russie. L’esthétisation entraîne la mutation du bilinguisme géoculturel de départ en un bilinguisme socioculturel, occasionné par l’assimilation verbale et gestuelle de Samouraï : « L’impossible union / Des âmes par le corps. » [7] Observons plus amplement la présence de ce bilinguisme socioculturel dans Le Testament français.

Le bilinguisme socioculturel

C’est par le truchement de l’album de photographies familiales que sont révélés au narrateur deux univers socioculturels en apparence irréconciliables. D’un côté, la photo de la femme à la chapka, de l’autre, les femmes élégantes de la famille et les décors bourgeois. La femme à la chapka se distingue à ses yeux car elle est l’exception dans la norme de l’album. Elle traduit une autre quotidienneté sociologique :

C’est au milieu de ces gens inconnus et de ces paysages tombés dans l’oubli que je la vis. Une jeune femme dont l’habit jurait étrangement avec l’élégance des personnages qui se profilaient sur d’autres photos. Elle portait une grosse veste ouatée d’un gris sale, une chapka d’homme aux oreillettes rabattues. Elle posait en serrant contre sa poitrine un bébé emmitouflé dans une couverture de laine. [8]

Tous les autres sujets photographiés sont tout aussi inconnus qu’elle. Toutefois, son apparition est une dissonance pour le jeune narrateur qui contemple les photos : « « Comment avait-elle pu se faufiler me demandais-je avec stupeur, parmi ces hommes en frac et ces femmes en toilettes du soir ? » […] Dans ce passé familial, elle avait l’air d’une intruse avec son accoutrement que seules affichaient de nos jours les femmes qui, en hiver, déblayaient les amas de neige sur les routes. » [9] Cette photo qui parle un autre langage que celui de l’album familial, revient encore à deux autres reprises au cours de la diégèse.

La seconde fois, il ne s’agit pas à proprement parlé de la photo mais du souvenir de la photo : « La scène se présenta à mes yeux : je montre la photo à ma grand-mère et soudain je vois passer une ombre rapide qui me fait oublier ma question ; sur le mur je recouvre de ma paume un étrange papillon, un sphinx à deux têtes, à deux corps, à quatre ailes. » [10] Le sphinx, symbole de l’éphémère et du mystère, est synonyme de l’univers langagier du narrateur. Deux têtes : deux pensées ; deux corps : deux vocabulaires ; quatre ailes : deux dichotomies sociales. D’une part, l’univers russe avec, d’un côté, les histoires de la terreur soviétique racontées par Dmitritch et de l’autre, celles de la Russie éternelle. D’autre part, la France disparue de Charlotte d’un côté, de l’autre la France qu’imagine le narrateur et celle qu’il découvre à son arrivée à Paris. Le langage de la propagande et celui du souvenir. Propagande soviétique : « Vingt millions de personnes sont mortes pour que vous puissiez vivre ! » [11] et la propagande républicaine française à l’abdication de Nicolas II :

Salut, salut à vous,

Peuple et soldats de la Russie !

Salut, salut à vous

Car vous sauvez votre patrie !

Salut, gloire et honneur

A la Douma qui, souveraine,

Va, demain, pour votre bonheur

A tout jamais briser vos chaînes. [12]

Souvenirs de Charlotte et souvenirs de Dmitritch. Le narrateur interroge sa grand-mère sur l’identité de cette femme. Sa question est le signe de sa prise de conscience ; l’ombre du papillon, la métaphore de l’oubli, l’envers de la mémoire. Car c’est de la mémoire qu’il s’agit à la troisième apparition de la photographie mais aussi de langage.

Le narrateur découvre pour la troisième fois la photographie de la femme à la chapka en même temps que sa véritable identité lui est révélée : « Une petite enveloppe était agrafée à cette dernière page. Je l’ouvris. Il y avait une photo que je reconnus sans peine : une femme en grosse chapka aux oreillettes rabattues, en veste ouatée. Sur un petit rectangle de tissu blanc cousu à côté de la rangée de boutons – un numéro. Dans ses bras, un bébé entouré d’un cocon de laine… » [13] Ce bébé emmitouflé, c’est lui. Chrysalide devenue papillon, le mystère s’éclaircit : « Les fils de la Vierge, argentés et légers de mon illusion française, n’étaient que quelques rangées de barbelés neufs qui n’avaient pas eu le temps de rouiller. Avec ma mère, je me promenais sur le territoire du « camp de femmes »… C’était mon tout premier souvenir d’enfance. » [14] Les deux univers socioculturels qui s’enchevêtrent en une seule et même vision poétique sont métaphorisés par les fils de la Vierge et les barbelés ou fils de fer barbelés. Les barbelés, symbole du langage des camps : le pays interdit : l’emprisonnement, l’obscurité, la mort. Les fils de la Vierge, symbole de la langue et de l’existence françaises, esthétisées par la remémoration des anecdotes de Charlotte par le narrateur : le pays rêvé. Il a fait sien le langage de sa grand-mère au point d’en avoir confondu les souvenirs avec ses propres réminiscences.

Pour le narrateur du Testament français, l’assimilation linguistique entraîne quelque souffrance. La confrontation culturelle engendrée l’affecte et le rend péniblement conscient de soi. Toutefois, les deux sphères de vie, celle léguée par Charlotte, sa grand-mère maternelle, intensifiée par la contemplation des photographies et celle de l’ascendance paternelle, nourrie des histoires de Dmitritch, après être entrées en collision, se fondent l’une dans l’autre dans un jeu de lumière et d’obscurité qui éclaire une identité tissée de fils de la vierge et de fils barbelés où l’amour de la France s’incruste dans celui de la Russie dans une diégèse étoffée par la tradition littéraire des deux pays.

Le bilinguisme scriptural

Comme nous l’avons noté plus haut, pour être fonctionnelle, l’appellation de bilinguisme littéraire doit être divisée en plusieurs sous-catégories. Nous commençons par celle qui traite de l’écriture en soi. Par bilinguisme scriptural, nous voulons considérer certains moments où l’écriture comprend des éléments morpho-syntaxiques en plusieurs langues. Dans le cas qui nous occupe, le russe et le français.

Lorsque Nathalie Sarraute dans Enfance (1983) compare deux mots, l’un français l’autre russe, elle met l’accent sur leur phonation :

le mot français soleil et le même mot russe solntze où le l se prononce à peine, tandis je dis sol-ntze, en ramassant et en avançant les lèvres, le bout de ma langue incurvée s’appuyant contre les dents de devant, tantôt so-leil en étirant les lèvres, la langue effleurant à peine les dents. Et de nouveau sol-ntze. Et de nouveau so-leil. Un jeu abrutissant que je ne peux pas arrêter. Il arrête tout seul et les larmes coulent. [15]

Or, soleil et solntze n’ont de commun que leur signification en traduction.

Chez Andreï Makine, au contraire, dans la différence des mots c’est toute une image culturelle qui s’offre à son narrateur. Le mots «  tsar » se prononce d’une manière légèrement altérée dans les deux langues mais est tout de même phonétiquement reconnaissable. Cette différence est mise en lumière par l’emploi de deux alphabets dans le roman. L’un, cyrillique, traduit, pour le jeune narrateur, Nicolas II présenté par la propagande soviétique. Ses manuels d’Histoire et son professeur énoncent les tirades formées de slogans :

C’est le tsar qui a été responsable de la terrible bousculade sur le champ de la Khodynka – des milliers de gens écrasés. C’est lui qui a ordonné d’ouvrir le feu sur la manifestation pacifique du 9 janvier 1905 – des centaines de victimes. C’est son régime qui s’est rendu coupable des massacres sur le fleuve Léna – 102 personnes tuées ! D’ailleurs ce n’est pas un hasard si le grand Lénine s’est fait appelé ainsi – il voulait par son pseudonyme même fustiger les crimes du tsarisme ! [16]

Cependant, les histoires de Charlotte lui ont inculqué une toute autre vision du tsar. C’est celle qui surgit lorsqu’il regarde ce monème inscrit  en lettres latines. Alors se profile un monarque associé aux fastes des palais, des lustres et des cristaux. Or, lorsqu’il parle en classe de la visite du Tsar à Paris, ses camarades le raillent. Il comprend qu’il « faudrait cacher ce deuxième regard sur les choses, car il ne pourrait susciter que les moqueries de la part des autres. » [17] Ce second regard lui est révélé par les mots eux-mêmes. Chaque mot porte en soi un univers. Malgré leur résonance presque similaire, les mots «  tsar » en français et en russe sont empreints d’une réalité à des années lumière l’une de l’autre  : « En effet, quand je prononçais en russe «  ЧАРь », un tyran cruel se dressait devant moi tandis que le mot « tsar » en français s’emplissait de lumières, de bruits, de vents, d’éclats de lustres, de reflets d’épaules féminines nues, de parfums mélangés de cet air inimitable de notre Atlantide. » [18] Toutefois, entre ces deux visions s’établit un dialogue. Selon Bakhtine : « Cette corrélation, cette jonction dialogique entre deux langages, deux perspectives, permet à l’intention de l’auteur de se réaliser de telle sorte, que nous la sentions distinctement dans chaque moment de l’œuvre. » [19]

Un autre moment de l’œuvre qui illustre cette vision dialogique du narrateur est la différence qui apparaît avec le mot village. Alors que Charlotte répète : « Oh ! Neuilly à l’époque, était un simple village, » [20] le seul village que le narrateur connaisse est Saranza, formé par des isbas russes. Le mot russe, « dérevnia », vient de « dérévo  : bois » [21], celui de « village » vient de « villagium : villa, ville. » Un village est une petite ville mais un dérevnia un petit bois. Pour le narrateur, Neuilly se transforme en un village de cabanes en bois où Marcel Proust se promène sur les allées de sable en tenue de tennis. Deux langages sociaux distincts, tissés ensemble, donnent naissance au jet scriptural, le résultat de la vision du narrateur, cette instance entre l’auteur et le personnage. L’auteur « recourt aux deux langages pour ne pas remettre entièrement ses intentions à aucun des deux. » [22] Ne devrions-nous pas dire aux deux simultanément ? Ces deux langages, qui se retrouvent en un seul, sont la traduction scripturale de sa vision bilingue. Vision qui naît aussi quelques fois de la confusion. C’est la cas lors de la différence de prononciation pour les héros dans Au temps du fleuve Amour. Belmondo : Bel-mon-do ou Bel-mon-do se disputent Outkine et Samouraï. Le narrateur, décontenancé par le /o/ final, indication du genre neutre en russe, s’interroge. S’agit-il d’un homme ou d’une femme ? Examinons maintenant quelques fragments en illustration du bilinguisme du lecteur.

Le bilinguisme du lecteur, du narrateur et des personnages

Charlotte, que le narrateur a rejointe à Saranza, parle de Baudelaire en traduction russe :

Tu vois – poursuivait ma grand-mère dans un mélange de russe et de français, car il fallait citer les textes des traductions – , chez Brussov le premier vers donne ça : En un soir d’automne, les yeux fermés …, etc. Chez Balmont : Quand, en fermant les yeux, par un soir d’été étouffant … A mon avis, l’un comme l’autre simplifient Baudelaire. Car, tu comprends, dans son sonnet, ce « soir chaud d’automne » c’est un moment très particulier, oui, en plein automne, soudain, telle une grâce, ce soir chaud, unique, une parenthèse de lumière au milieu des pluies et misères de la vie. Dans leurs traductions, ils ont trahi l’idée de Baudelaire : « un soir d’automne », « un soir d’été », c’est plat, c’est sans âme. Tandis que chez lui, cet instant rend possible la magie, tu sais, un peu comme ces journées douces de l’arrière saison… [23]

Charlotte, lectrice bilingue, est capable d’apprécier et de comparer Baudelaire en traductions diverses et de commenter les qualités respectives des deux traducteurs. Un autre moment similaire concerne la lecture d’une lettre.

Arrivé à l’âge adulte, le narrateur a réalisé son ambition et vit à Paris. Il lit une lettre de Charlotte, celle que nous avons évoquée plus haut : « Soudain, la page que je tenais dans ma main se transforma en une fine feuille d’argent. Oui, elle m’éblouit par un reflet métallique et sembla émettre un son froid, grêle. Une ligne brilla – le filament d’une ampoule lacère ainsi la prunelle. La lettre était écrite en russe et c’est seulement à cette ligne que Charlotte passait au français, comme si elle n’était plus sûre de son russe. Ou comme si le français, ce français d’une autre époque, devait me permettre un certain détachement vis-à-vis de ce qu’elle allait me dire. » [24] Ce que Charlotte écrit est la révélation de la véritable identité du narrateur : « Cette femme, qui s’appelait Maria Stepanovna Dolina, était ta mère. C’est elle qui a voulu qu’on ne te dise rien le plus longtemps possible… » [25] La lettre de Charlotte [26] est bilingue. Exemple de bilinguisme scriptural diégétique ainsi que de bilinguisme du lecteur diégétique : le narrateur et du bilinguisme de l’auteur diégétique de la lettre : Charlotte.

C’est aussi le bilinguisme du lecteur diégétique qui est interpellé dans Le Crime d’Olga Arbélina lorsque le gardien du cimetière commente l’inscription d’une dalle mortuaire : « Elle résiste bien au temps cette faute. Officier de cavallerie. Avec deux l. Heureusement, tout le monde ne lit pas les caractères cyrilliques. » [27] Alors qu’avec « Хотите чаю » [28], c’est le bilinguisme du lecteur de roman qui est mis à contribution. Mais le gardien, l’un des personnages, est également le narrateur de l’histoire d’Olga. Il cumule donc les fonctions diégétiques. Dans ce cas, il devient malaisé de ranger son bilinguisme dans une et seule catégorie.

De même, dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique (1990) [29] Olia, travaille comme interprète. Son histoire bénigne avec un jeune Français est cataloguée de prostitution par le KGB par un subtil transfert linguistique. D’un monème à l’autre, la frontière inter sémiotique  est franchie grâce au pont de l’hypocrisie.  Ray Tars, résume ainsi la situation : « By the 1980s, being the daughter of a Hero of the Soviet Union qualified one to become a highly-paid prostitute. » [30] Et comme Katherine Knorr le définit : « And so prostitution turns out to be a better life than many, for a while. » [31] Examinons maintenant les deux visions engendrées par les deux langues dans la diégèse.

Le bilinguisme diégétique

Le narrateur du Testament se sent étranger à soi-même et heureux de l’être jusqu’au jour où il découvre vivre dans un autre univers : la Russie. Alors, il explose : « Ce pays est monstrueux ! Le mal, la torture, la souffrance, l’automutilation sont les passe-temps favoris de ses habitants Et pourtant je l’aime ? Je l’aime pour son absurde. Pour ses monstruosités. J’y vois un sens supérieur qu’aucun raisonnement logique ne peut percer… » [32] Le jeune narrateur s’interroge sur son identité. Est-il Russe ou Français ?  « L’interrogation sur l’identité est, souvent, la source ou du moins le corollaire d’un changement de langue, qui n’a pas pour seule vocation d’exprimer un refus, mais bien de répondre à un désir de reconstruction. Se définir par rapport à l’Autre, avec les moyens de l’Autre, n’est-ce pas encore tenter de se définir, sous un jour renouvelé, par rapport à Soi et à ses Origines ? » [33] Or, le narrateur s’interroge aussi sur la nécessité de recomposer ses histoires, d’adopter un autre langage suivant le groupe auquel il les narre. A l’œuvre se retrouve l’antinomie du « Je » et de l’ « Autre ». Et, plus important encore : il s’agit de deux visions totalement différentes qui se fondent en une unité scripturale, la diégèse.

Le bilinguisme diégétique se reflète dans l’univers des anecdotes aux ambiances différentes de Dmitritch et de Charlotte. Alors que Charlotte s’étend sur les merveilles de la vie parisienne au tournant du siècle, Dmitritch s’enfonce dans la vie des camps

Un jour, il parla d’un petit lac, en pleine taïga, gelé onze mois sur douze. Par la volonté de leur chef de camp, son fond s’était transformé en cimetière : c’était plus simple que de creuser le permafrost. Les prisonniers mouraient par dizaines…

– En automne, on y est allé, un jour, on en avait dix ou quinze à foutre à la flotte. Il y avait là, une percée. Et alors je les ai vus, tous les autres, ceux d’avant. Nus, on récupérait bien sûr leurs fripes. Ouais, à poil, sous la glace, pas pourris du tout. Tiens, c’était comme un morceau de kholodets !

Le kholodets, cette viande en gelée dont il y avait justement une assiette sur notre table, devint alors un mot terrible – glace, chair et mort figées dans une sonorité tranchante.[34]

« Les paroles d’un personnage exercent presque toujours une influence (parfois puissante) sur le discours de l’auteur, le parsèment de mots étrangers (discours caché du personnage) le stratifient, et donc y introduisent le polylinguisme. » [35] Sur la table, le morceau de kholodets évoque pour Dmitritch l’amoncellement des corps, empilés les uns sur les autres au fond du lac. De chair, ils sont devenus viande, viande passée au hachoir de la répression soviétique. Dans son ouvrage, Le Manuel du Goulag (1997), Jacques Rossi parle de la « kotletka », cette boulette de viande hachée : « Faire d’un prévenu une boulette de viande hachée : le soumettre à des passages à tabac. » [36] Deux mots qui désignent la viande mais parlent du corps humain.

Dans cette évocation des corps et la comparaison avec la viande de table, plusieurs niveaux de réalité diégétique se superposent. D’une part, la quotidienneté ménagère où kholodets ou kotletka, peu importe, sont préparées pour la consommation. De l’autre, l’évocation de la vie politique, avec son appareil de répression gigantesque fait pour engendrer la terreur qui permet la soumission du peuple. Sur un autre niveau, ces corps nus comme de la viande congelée ou en gelée, prête à la nutrition, réveillent des réminiscences de cannibalisme. Une consonance terrible naît du mot kholodets.

Plusieurs écrits relatent les famines et l’obligation pour beaucoup de gens de se nourrir de la viande des cadavres humains. Andreï Makine décrit plusieurs scènes de ce genre dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique (1990), [37]  dans Confession d’un porte-drapeau déchu (1992), [38] et aussi dans Le Testament français. [39] Jacques Rossi mentionne le cannibalisme dans Fragments de vies (1995) [40] ainsi que dans Le Manuel du Goulag (1987). [41] Dans son article « La grande famine » dans Le Livre noir du communisme (1997), Nicolas Werth écrit : « Des cas de cannibalisme sont signalés dans les rapports de la Guépéou comme dans ceux des diplomates italiens en poste. » [42] Les quelques lignes de la description de Dmitritch, révélatrices du contexte social et politique dans lequel grandit le narrateur, peuvent être mises en rapport avec le cannibalisme. Le narrateur précise la transformation sémantique par la phonétique du mot kholodets à partir du moment où il prend connaissance de l’anecdote de Dmitritch. Il devient un mot aux résonances terribles et tranchantes. Le mot kholodets prend une connotation subliminale.

Deux autres mots  aux consonances non plus terribles mais exotiques saisissent le narrateur. « Bartavelles et ortolans » qu’il se répète comme des sésames secrets avec sa sœur pour échapper, cette fois, à la violence ambiante. Deux mots qui traduisent l’univers fastueux et impressionnant de mystère avec ses « bartavelles et ortolans truffés rôtis » dont les adolescents ignorent totalement la signification. D’un côté, l’inhumain, le tabou du cannibalisme. De l’autre, l’inaccessible gastronomique en des mets inconnus. Tous les deux reflétés par l’absorption diégétique de la vision nourricière.

Toutefois, c’est un manichéisme illusoire qui se profile dans l’univers makinien. Les transitions langagières sont moins nettes que ne le laissent supposer les appellations « Occident » ou  « Russie. » Les histoires de Charlotte se dédoublent aussi en une vision polyscopique, traduite par des langages différents. Comme ce jour, où le narrateur fouille dans une pile de vieux journaux et découvre les articles français qui glorifient la Révolution russe et le renversement du Tsar :

Oh ! Grand Dieu, quelle bonne nouvelle,

Quelle joie fait vibrer tous nos cœurs,

Voir crouler enfin la citadelle

Où l’esclave gémit de douleur !

Voir un peuple relever la tête,

Et du droit porter le flambeau !

Ami, n’est-ce pas un grand jour de fête,

Sur nos palais faites hisser les drapeaux ! [43]

Ce poème est d’autant plus surprenant pour le jeune garçon qui quelques jours plus tôt écoutait Charlotte lire le poème de José-Maria Heredia en l’honneur du Tsar lors de sa visite à Paris :

Très illustre Empereur, fils d’Alexandre Trois !

La France, pour fêter ta grande bienvenue,

Dans la langue des Dieux par ma voix te salue,

Car le poète seul peut tutoyer les rois. [44]

C’est que les deux mondes,  celui de la démocratie et celui de l’impérialisme, s’étaient retrouvés l’un en face de l’autre, dit-il. Bientôt fondus en une seule vision, aurait-il pu ajouter.

Le bilinguisme de l’auteur

Nous terminons avec la catégorie qui engendre toutes les autres, celle de l’auteur. Andreï Makine, né en Sibérie à Krasnoïarsk, [45] vient en France comme interprête et y travaille comme professeur de russe. Son premier roman, La Fille d’un héros de l’Union  soviétique (1990) [46] est paru chez Robert Laffont, Confession d’un porte-drapeau déchu (1992) [47], chez Belfond et Au Temps du fleuve Amour (1994) [48], aux Editions du Félin. Son quatrième roman, sorti au Mercure de France, Le Testament français (1995) [49]  a reçu le prix littéraire français le plus prestigieux, le Goncourt, à l’unanimité. Mais de plus, ce qui ne s’était encore jamais vu jusqu’alors, il fut aussi couronné par le prix Médicis et le Goncourt des Lycéens la même année. Ensuite, cinq romans à ce jour (anno 2004),  Le Crime d’Olga Arbélina (1998) [50], Requiem pour l’Est (2000) [51], tous les deux au Mercure de France, La Musique d’une vie (2001) [52], aux Editions du Seuil  et La Terre et le ciel de Jacques Dorme (2003) [53] à nouveau au Mercure de France. Et enfin, La Femme qui attendait (2004) [54] aux Editions du Seuil. En plus de cela, Andreï Makine a écrit les textes d’un ouvrage de photographies [55] et une thèse de doctorat à Paris Sorbonne. [56] Tous ces ouvrages sont rédigés en français.

Locuteur du français, comme beaucoup d’écrivains d’origine étrangère, il choisit d’écrire ses romans en cette langue. Or, cette décision n’est pas toujours un choix libre de toute pression économique, politique ou autre. Par exemple, Rachid Boudjedra déclare : « J’écrivais en français quand j’étais en France parce que je n’aurais pas eu d’éditeur autrement. » [57] Peut-on vraiment parler de choix dans ce cas ?

Kafka qui a adopté l’allemand comme langue d’écriture en compare l’acquisition  à « l’appropriation […] d’un bien étranger qu’on a pas acquis, mais dont on s’est emparé en y portant une main hâtive (relativement) et qui reste un bien étranger, quand bien même on ne pourrait trouver la moindre faute de langage. » [58] Toutefois, c’est probablement Ramuz qui résume le mieux la situation de l’écrivain étranger d’origine :

C’est le dilemme qui s’est posé pour moi, quand j’avais vingt ans, et qui se pose pour tous ceux qui sont dans le même cas que moi, qu’ils soient nombreux ou pas nombreux : les extérieurs, les excentriques, ceux qui sont nés hors d’une frontière ; ceux qui, tout en étant liés à une culture par la langue, sont en quelque sorte exilés d’elle par la religion ou par leur appartenance politique […]. Le problème se pose tôt ou tard : ou bien il faut faire carrière et d’abord se plier à un ensemble de règles qui ne sont pas seulement esthétiques ou littéraires, mais encore sociales, politiques ou même mondaines ; ou bien rompre délibérément avec elles, non seulement en laissant voir, mais en exagérant ses propres différences : quitte à les faire admettre plus tard, si on peut. [59]

Inutile de s’étendre plus longuement sur le bilinguisme évident de l’auteur et ses avatars. [60] Notons, cependant, un fait intéressant : « Makine n’a pu faire éditer ses premiers romans, écrits en français, qu’en les présentant comme « traduits du russe ». » [61] Ce subterfuge s’il a réussi à Makine en trompant son éditeur, a aussi mis plus d’un chercheur sur une fausse piste. Tel Ray Taras qui mentionne : « Makine’s first novel, published in France in 1990 and written in Russian, was called La Fille d’un heros de l’Union sovietique. The French translation did not do justice to his command of prose which may have convinced him to write in French from then on. » [62] Ce malentendu est compréhensible puisque à sa parution chez Robert Laffont, le livre porte sur la page titre : « Roman traduit du russe par Françoise Bour. » [63] Quant à la dédicace, elle peut induire plus d’un en erreur : « M. Georges Martinowsky, agrégé de russe, a bien voulu relire le manuscrit de ce roman, ainsi que sa traduction. Qu’il trouve ici les remerciements de l’auteur et de la traductrice pour les remarques qu’il a formulées et qui leur ont été extrêmement précieuses. » [64] Ces « précisions » sont restées dans les éditions suivantes de 1992 et le Folio. Relation complexe, s’il en fut, à la langue d’écriture : Traduction ? Pas traduction ? « Le choix de l’une ou l’autre option, passage successif de l’une à l’autre langue, peut faire l’objet d’oscillations, d’hésitations, de remords ou de retour en arrière. Ce ne sont pas des choix tranchés, mais une série de possibles, dépendants de contraintes politiques et littéraires et de l’évolution de la carrière de l’écrivain (le degré de reconnaissance national ou international.) » [65]

Comme nous avons pu le constater, l’exemplification des diverses catégories du bilinguisme, prises comme point de départ pour notre étude, nous a permis d’en évaluer la validité. Force nous est de conclure que chacune des catégories telles qu’elles ont été définies fonctionne dans les limites de sa propre logique. Toutefois, chacune d’elles, dans son exemplification, rencontre un point d’indécidabilité qui oblige à emprunter quelque chose aux autres. Cette obligation illustre la confrontation à la porosité des cloisons catégorielles. L’étanchéité ne pourrait s’en définir qu’à la condition d’instaurer de nouvelles divisions qui risqueraient de rendre la manipulation de l’outil ainsi obtenu d’une lourdeur paralysante. Charlotte, lectrice, personnage, auteur diégétique ; le gardien de cimetière, personnage, narrateur ; les narrateurs eux-mêmes, tour à tour lecteurs ou narrateurs intra-diégétiques, tous enjambent et brouillent les différentiations catégorielles.

Toutefois, si nous prenons en considération l’un des axes de réflexion sur le multilinguisme et l’hospitalité des langues et plus particulièrement sur la spécificité de l’auteur bilingue ou multilingue, nous voyons, dans le cas d’Andreï Makine, francophone et francographe, en dominante l’exil du pays natal puisqu’il décide de rester en France et d’en adopter la nationalité. Cependant, le pays natal reste omniprésent dans son univers fictionnel qui dépeint souvent l’oscillation d’un pays à l’autre. « Cette quête littéraire est l’expression d’une vie, la vie de l’auteur. Mais il ne faut pas pour autant confondre vie et écrit, vie et littérature. » [66] Quelque fois, l’oscillation entre deux pôles se fait ressentir à l’intérieur d’un même personnage, d’un même pays, entre deux univers sociolinguistiques. Le français est-il une langue véhiculaire pour Makine qui se sert de cette langue mais écrit, presque toujours exclusivement, sur l’univers russe. Pouvons-nous parler d’une diglossie mentale puisqu’il écrit en français sur la Russie, traduisant la dichotomie essentielle entre le centre et la périphérie. Deux réalités, deux perspectives se rejoignent alors en une seule et même vision. Parlant de la spécificité de l’écrivain bilingue, nous la définirions comme la capacité à, d’une part, assimiler ces cadres sociopsychologiques divergents et de l’autre, à en transcender la diversité par le jet scriptural unificateur. L’écrivain bilingue, hôte de deux langues, deux cultures, en tisse les fils conducteurs en une étoffe unique, l’écriture, symbiose de ces deux visions qu’il porte en lui. Vecteur de  vérité fictionnelle, l’écriture devient le miroir où se réfléchissent les langues en un écheveau métissé à l’hybridité fulgurante, fluctuante et unique à chaque écrivain.

Bibliographie

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Werth, N., « La grande famine », Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1997

Je tiens à exprimer ma gratitude aux organisateurs du colloque L’Hospitalité des langues :multilinguisme et métissage dans la littérature moderne et contemporaine, Modesta Suarez et Axel Gasquet, ainsi qu’à tous les intervenants et à la CRLMC pour les circonstances bénéfiques offertes pour la réflexion sur le multilinguisme.

Notes


[1] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, Paris, 1995

[2] Andreï Makine, Au temps du fleuve Amour, Paris, Editions du Félin, 1994

[3] Andreï Makine, ibid., p. 218

[4] Andreï Makine, ibid., p. 181

[5] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 2003, traduction de Daria Olivier, p. 126

[6] Mikhaïl Bakhtine, ibid.

[7] Andreï Makine, Au temps du fleuve Amour, Paris, Editions du Félin, 1994, p. 219

[8] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, pp. 15-16

[9] Andreï Makine, ibid., p. 16

[10] Andreï Makine, ibid., p. 161

[11] Andreï Makine, ibid., p. 183

[12] Andreï Makine, ibid., p. 53

[13] Andreï Makine, ibid., pp. 306-307

[14] Andreï Makine, ibid., p. 307

[15] Nathalie Sarraute, Enfance, Paris, Gallimard, 1983, pp. 107-108

[16] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, pp. 57-58

[17] Andreï Makine, ibid., p. 59

[18] Andreï Makine, ibid., p. 59

[19] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 1978, p. 135

[20] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, p. 38

[21] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, p. 38

[22] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 1978, p. 135

[23] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, p. 256

[24] Andreï Makine, ibid., p. 306

[25] Andreï Makine, ibid., p. 306

[26] Voir au sujet de « l’abandon symbolique de la mère » Axel Gasquet « « L’Autofiction en langue française chez Hector Biancotti », Esprit Créateur, Vol. XLIV, n° 2, p. 44

[27] Andreï Makine, Le Crime d’Olga Arbélina, Paris, Mercure de France, Paris, 1998, pp. 18-19

[28] Andreï Makine, Le Crime d’Olga Arbélina, Paris, Mercure de France, Paris, 1998, p.43

[29] Andreï Makine, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Paris, Robert Laffont, 1997

[30] Ray Taras, “ À la Recherche du Pays perdu ”: Andreï Makine’s Russia ”, East European Quartely, XXXIV, N°1 March 2000, Columbia, pp. 51-79. “ dans les années 1980, être la fille d’un Héros de l’Union soviétique, vous qualifiait pour devenir une prostituée très bien payée. ” notre traduction.

3. Katherine Korr, « Andreï Makine’s poetics of nostalgia », The New Criterion, N.Y., pp. 32-36, « Et, pour un moment, la prostitution se révélait être une meilleure vie qu’une autre. » notre traduction.

[32] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, p. 186

[33] Robert Jouanny, Singularités francophones ou choisir d’écrire en français, Paris,  PUF, 2000, p. 142

[34] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995,  pp. 185-186

[35] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 1978, p. 136

[36] Jacques Rossi, Le Manuel du Goulag, Paris, Le Cherche-Midi, 1997, p. 38

[37] Andreï Makine, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Paris, Robert Laffont, 1990,  p. 47

[38] Andreï Makine, Confession d’un porte-drapeau déchu, Paris, Belfond, 1992, p. 146

[39] Andreï Makine,Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, pp. 72-73

[40] Jacques Rossi, Fragments de vies, Paris, Elikia, 1995, pp.88-90

[41] Jacques Rossi, Le Manuel du Goulag, Paris, Le Cherche-Midi, 1997, p. 283

[42] Nicolas Werth,  « La grande famine » Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 193

[43] Andreï Makine, Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, p. 53

[44] Andreï Makine, ibid., p. 47

[45] Entretien avec l’auteur le 14 novembre 2003. Certains articles de presse font mention de Novgorod comme lieu de naissance de l’auteur.

[46] Andreï Makine, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Paris, Robert Laffont, 1990

[47] Andreï Makine, Confession d’un porte-drapeau déchu, Paris, Belfond, 1992

[48] Andreï Makine, Au temps du fleuve Amour, Paris, Editions du Félin, 1994

[49] Andreï Makine,  Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995

[50] Andreï Makine,  Le Crime d’Olga Arbélina, Paris, Mercure de France, 1998

[51] Andreï Makine, Requiem pour l’Est, Mercure de France, Paris, 2000

[52] Andreï Makine, La Musique d’une vie, Editions du Seuil, Paris, 2001

[53] Andreï Makine, La Terre et le ciel de Jacques Dorme, Mercure de France, Paris, 2003

[54] Andreï Makine, La Femme qui attendait, Editions du Seuil, Paris, 2004

[55] Andreï Makine, et Ferranté Ferranti, Saint-Pétersbourg, Chêne Editeur, Paris, 2002

[56] Andreï Makine, La Prose de I. A. Bounine, Poétique de la nostalgie, Thèse de doctorat, Paris IV, 1991

[57] Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999,  p. 365

[58] Franz Kafka, Journal, 24 décembre 1911, Œuvres complètes, t. III, Paris, Gallimard, « Bibl. de la Pléiade », 1976, p. 194 (ed. établie par C. David), cité par Casanova, P., La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 371

[59] Charles Ferdinand Ramuz, Questions, 1935 ; repris in La Pensée remonte les fleuves, Plon, coll. « Terre humaine », Paris, 1979, p. 292, cité par : Casanova, P., La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 248

[60] Sur l’originalité du style de Makine voir Isabelle S. Molinas « « Sous la protection de la voix : L’Idée de frontière littéraire chez Makine, Esprit Créateur, vol. XLIV, n° 2, p. 63

[61]  Robert Jouanny Singularités francophones ou choisir d’écrire en français, Paris,  PUF, 2000, p. 78

[62] Ray Taras, “ À la Recherche du Pays perdu ”: Andreï Makine’s Russia ”, East European Quartely, XXXIV, N°1 March 2000, Columbia, p. 53. Nous soulignons

[63] Andreï Makine, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Paris, Robert Laffont, 1990, p. 7

[64] Andreï Makine, ibid.,  p. 9

[65] Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 364

[66] Axel Gasquet « « L’Autofiction en langue française chez Hector Biancotti », Esprit Créateur, Vol. XLIV, n° 2, p. 41